Seconde Guerre mondial

Seconde Guerre mondial

L'émigration des Juifs allemands, 1933-1939

Plusieurs facteurs déterminèrent le flux et le reflux de l'émigration des Juifs d'Allemagne, et plus particulièrement le degré de pression exercé sur les communautés juives en Allemagne et la volonté des autres pays à admettre des immigrants juifs. Face à l'intensification de la répression légale et des violences physiques, de nombreux Juifs s'enfuirent d'Allemagne, dès l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Jusqu'en octobre 1941, la politique allemande encouragea officiellement l'émigration des Juifs. Progressivement, cependant, les nazis cherchèrent à dépouiller de leurs biens les Juifs s'enfuyant d'Allemagne, en percevant une taxe à l'émigration de plus en plus forte et en réduisant les montants qu'ils étaient autorisés à transférer à l'étranger à partir des banques allemandes.

 

Juifs allemands amassés dans le Bureau d’émigration pour la Palestine dans leur tentative de quitter l’Allemagne. Berlin, Allemagne, 1935.

 

 

En janvier 1933, l'Allemagne comptait quelque 523 000 Juifs, qui représentaient moins de un pour cent de la population totale du pays. La population juive était essentiellement urbaine et environ un tiers des Juifs allemands vivaient à Berlin. La première réaction à l'arrivée des nazis au pouvoir fut une importante vague d'émigration (37 à 38 000 personnes), essentiellement en direction des pays européens voisins (France, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Tchécoslovaquie et Suisse). La plupart de ces réfugiés furent plus tard arrêtés par les nazis après leur conquête de l'Europe occidentale en mai 1940. Les Juifs qui étaient politiquement actifs furent les premiers à partir. Parmi les autres mesures qui incitèrent les Juifs à émigrer pendant les premières années du régime nazi, on peut citer l'exclusion des Juifs des services publics et le boycott des magasins juifs organisé par les nazis. 

Les deux années suivantes virent une diminution du nombre des départs. Cette tendance fut en partie due à la stabilisation de la situation politique interne, mais aussi à l'espérance des Juifs dans la levée des mesures contre eux.

 Arrivée de réfugiés juifs d’Allemagne. Le Joint (le Joint Distribution Committee, organisation caritative juive américaine - JDC) aida les Juifs à quitter l’Allemagne après la montée au pouvoir du nazisme. France, 1936.

 

En dépit de l'adoption des lois de Nuremberg en septembre 1935 et des décrets annexes qui suivirent, qui privaient les Juifs allemands de leurs droits civiques, l'émigration juive resta plus ou moins constante.

Les événements de 1938 provoquèrent une augmentation brutale de l'émigration des Juifs. L'annexion de l'Autriche par l'Allemagne en mars, la multiplication des agressions contre les Juifs au printemps et à l'automne, le pogrom sur tout le territoire de la "Nuit de Cristal" (Kristallnacht), ou "Nuit du verre brisé") en novembre, et la confiscation des biens juifs qui s'ensuivit, provoquèrent une augmentation importante des demandes de visas. Même s'il s'avérait difficile de trouver une destination d'accueil, environ 36 000 Juifs quittèrent l'Allemagne et l'Autriche en 1938 et 77 000 en 1939.

 

Le “Stuttgart,” un bateau affrété qui a amené un groupe de réfugiés juifs d’Allemagne en Afrique du Sud. Johannesburg, Afrique du Sud, 1936.

 

 

Cet afflux soudain de réfugiés fut à l'origine d'une crise majeure entre les puissances occidentales. Le président Franklin D. Roosevelt réunit une conférence à Evian, en France, en juillet 1938. En dépit de la participation de délégués venant de 32 pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, le Canada et l'Australie, seule la République Dominicaine accepta de recevoir des réfugiés supplémentaires. Le sort des réfugiés juifs allemands, persécutés chez eux et indésirables à l'étranger fut également illustré par le voyage du "Saint-Louis".

En 1938-1939, dans le cadre d'un programme connu sous le nom de Kindertransport, la Grande-Bretagne accepta de recevoir en urgence 10 000 enfants juifs non accompagnés. L'année 1939 fut aussi la première année où les Etats-Unis atteignirent le quota combiné Allemagne-Autriche (qui incluait désormais la Tchécoslovaquie annexée). Cependant, cette limite était loin de pouvoir satisfaire la demande ; à la fin juin 1939, 309 000 Juifs allemands, autrichiens et tchèques avaient déposé une demande pour obtenir l'une des 27 000 places disponibles dans le cadre de la politique des quotas.

 

Un passager juif prie à bord d’un bateau de réfugiés d’Allemagne en route pour l’Argentine en 1938. 

En septembre 1939, environ 282 000 Juifs avaient quitté l'Allemagne, et 117 000 l'Autriche annexée. Parmi eux, 95 000 avaient émigré aux Etats-Unis, 60 000 en Palestine, 40 000 en Grande-Bretagne, 30 000 en France, et environ 75 000 en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, le plus grand nombre d'entre eux s'étant installés en Argentine, au Brésil, au Chili et en Bolivie. Plus de 18 000 Juifs du Reich purent aussi trouver refuge à Shanghai, en Chine, ville alors sous occupation japonaise.

 

Enfants juifs réfugiés regardant à travers la fenêtre du train au moment de se séparer de leurs parents. Gare de Schlesischen, Berlin, Allemagne, 12 février 1938.

 

A la fin de 1939, environ 202 000 Juifs restaient en Allemagne et 57 000 en Autriche annexée, dont beaucoup de personnes âgées. En octobre 1941, lorsque l'émigration des Juifs fut officiellement interdite, le nombre des Juifs encore en Allemagne était tombé à 163 000. L'immense majorité des Juifs qui restèrent en Allemagne fut assassinée dans les ghettos et les camps nazis durant la Shoah.

 

Enfants juifs réfugiés dans un train quittant l’Allemagne. 12 février 1938.

 Enfants juifs réfugiés d’Allemagne nazie. Pays-Bas, 12 février 1938.

 Délégués à la Conférence d’Evian, où le sort des réfugiés juifs de l’Allemagne nazie fut discuté. Le délégué américain Myron Taylor est le troisième à partir de la gauche. France, juillet 1938.

 Enfants juifs réfugiés, faisant partie d’un transport d’enfants (Kindertransport) venant d’Allemagne, peu après leur arrivée à Harwich. Grande-Bretagne, 2 décembre 1938.

 Deux enfants réfugiés autrichiens, faisant partie d’un groupe essentiellement composé d’enfants juifs réfugiés dans un transport d’enfants (Kindertransport), lors de leur arrivée en Grande-Bretagne. Harwich, Grande-Bretagne, 12 décembre 1938.

 

Jeune réfugiée juive de Vienne, Autriche, à son arrivée à Harwich. Grande-Bretagne, 12 décembre 1938.

 Réfugiés juifs d’Allemagne et d’Autriche arrivant dans le port de Shanghai. Chine, 1938-1939.

 Des Juifs allemands tentent d’émigrer en Palestine; longues queues en face de l’Agence de voyage Palestine et Orient. Berlin, Allemagne, 22 janvier 1939.

 Groupe d’enfants réfugiés juifs allemands arrivant à New-York. New-York, Etats-Unis, 3 juin 1939.

 Réfugiés juifs allemands regardant par les hublots du “Saint Louis,” dans le port de la Havane. Cuba refusa de laisser les passagers débarquer. Cuba, mai ou juin, 1939.

 Passagers du “Saint Louis.” Ces réfugiés fuyant l’Allemagne nazie furent contraints de retourner en Europe après le refus de Cuba et des Etats-Unis de leur accorder l’asile. Mai ou juin 1939.

 Réfugiés juifs d’Allemagne nazie, passagers à bord du “Saint Louis,” débarquant dans le port d’Anvers, Cuba et les Etats-Unis ayant refusé de laisser les réfugiés débarquer. La police belge garde la passerelle. Anvers, Belgique, 17 juin 1939.

 Des Juifs allemands cherchant à émigrer, attendent dans les bureaux du Hilfsverein der Deutschen Juden (l’Organisation de secours des Juifs allemands). Sur le mur, une carte de l’Amérique du Sud et une affiche sur l’émigration en Palestine. Berlin, Allemagne, 1935.

Témoignage

A mesure que la politique anti-juive des Nazis s'intensifiait, la famille de Kurt décida de quitter l'Allemagne. Kurt partit pour les Etats-Unis en 1937 mais ses parents ne purent pas partir avant l'éclatement de la Seconde Guerre Mondiale. Les parents de Kurt furent déportés à Auschwitz, dans la Pologne occupée par les Allemands. En 1942, Kurt rejoignit l'Armée des Etats-Unis et fut formé aux renseignements militaires. En Europe, il interrogea des prisonniers de guerre. En mai 1945, il participa à la reddition d'un village de Tchécoslovaquie et revint le lendemain aider plus d'une centaine de femmes juives qui avaient été abandonnées là au cours d'une marche vers la mort. La future épouse de Kurt, Gerda, faisait partie de ces femmes.

Il était de plus en plus évident que les Juifs devaient partir si tant est que quelqu'un veuille bien les accueillir, et très peu de pays le voulaient. Ce n'était pas si facile, mais en particulier pour les jeunes, il avait été proposé que les jeunes partent parce qu'il n'y avait à l'évidence aucun avenir pour eux en Allemagne. Et, alors nous en sommes arrivés à cette conclusion, -- et puisque j'avais des proches aux Etats-Unis, cela semblait être la meilleure destination. J'ai eu la chance, rétrospectivement, je sais que ça doit m'avoir sauvé la vie. Ma soeur, qui était plus âgée que moi, suivait une formation d'infirmière en Allemagne, mais elle avait également décidé, évidemment, qu'il était temps de partir et quelqu'un s'était porté garant pour elle et elle était arrivée là un an avant moi et si elle n'avait pas été là, j'aurais été prise parce qu'elle était capable d'aller voir les gens et de leur demander les papiers nécessaires dont chacun avait besoin à cette époque, une attestation de soutien. Et alors elle a fait ça pour moi, alors, en 1937, j'ai pu partir aussi et venir à Buffalo où vivait ma soeur à ce moment-là et comme d'autres de mes proches, dont un oncle et une tante et leur fille chez qui j'ai passé les premières années après mon arrivée à Buffalo.



12/07/2012
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