Les Einsatzgruppen 2 partie
Liquidation d'une femme et son enfant par un soldat des Einsatzgruppen en 1941
Origine
La décision d'utiliser des unités des SD (services de sécurité) pour accomplir des actions politiques spéciales est prise au début de la planification de l'invasion Barbarossa, décidée le 18 décembre 1940 par le Führer. Le 13 mars 1941, le général Keitel, commandant de l’OKW, dote le plan Barbarossa d'un supplément qui traite de « tâches spéciales », indépendantes des besoins militaires de l'invasion et qui seront supervisées par Himmler.
Keitel écrit :
Dans le théâtre d'opérations de l'Armée, le Reichsführer-SS Himmler s'est vu confié des missions spéciales par le Führer pour la préparation de l'administration politique, missions spéciales qui découlent de la lutte décisive entre deux systèmes politiques opposés. Dans la conduite de ces missions, le Reichsführer-SS agit indépendamment et de sa propre autorité Au début des opérations, la frontière germano-soviétique doit être fermée à la circulation du personnel non militaire, à l'exception des unités de police qui doivent être déployées sur ordre du Führer.
Après des négociations avec l'armée allemande menées entre Eduard Wagner de la Wehrmacht et Heydrich, réunion à laquelle participe Otto Ohlendorf, il est convenu qu'au front, les Einsatzgruppen seraient sous le contrôle de l'armée, mais que dans les zones d'opérations et à l'arrière l'autorité de l'armée ne s'étendrait pas au-delà des questions de tactique. En fait, les Einsatzgruppen sont presque toujours opérationnellement indépendants, recevant leurs ordres directement de Heinrich Himmler et, jusqu'à sa mort, de Reinhard Heydrich. Il y aura des plans pour créer des unités semblables dans d'autres territoires contrôlés par les nazis (Ohlendorf, témoignage de Nuremberg), mais ces plans ne seront jamais mis à exécution.
Au départ, la ligne de conduite à tenir est communiquée oralement aux officiers des Einsatzgruppens. Elle est ensuite en partie formulée, notamment dans le « Kommissarbefehl ». Effectivement, l'invasion de l'URSS est précédée par une série d'« ordres criminels », ordres et décrets diffusés aux soldats au printemps 1941, encourageant et couvrant les crimes contre les civils. En ce qui concerne plus particulièrement les Einsatzgruppens, par ordre d’Hitler, sous l'autorité exclusive de Himmler, ils peuvent commettre des exactions, s'appuyant sur des alibis politiques, dont les responsables n'ont pas à rendre compte à l'armée régulière.
Organigramme de la chaîne de commandement des Einsatzgruppen
Les chefs des Einsatzgruppen sont réunis au moins deux fois en juin 1941, et reçoivent alors des instructions concernant leurs tâches. Au cours d'une troisième réunion qui a lieu probablement le 22 juin 1941, Heydrich donne aux commandants des instructions relatives aux plans de leurs opérations. Otto Ohlendorf, commandant des Einsatzgruppen D et proche associé d'Himmler, confirme que ces ordres avaient été donnés, lors de son témoignage au Procès de Nuremberg : à la fin de l'été 1941 Himmler se trouvait à Nikolaïev. Il réunit les chefs et les hommes des Einsatz kommandos, leur répéta l'ordre de liquidation, et fit remarquer que les chefs et les hommes qui avaient pris part à la liquidation n'assumaient aucunement la responsabilité de l'exécution de cet ordre. La responsabilité lui appartenait, à lui seul et au Führer.
La composition des Einsatzgruppen
Les Einsatzgruppen sont constitués de quatre unités paramilitaires créées avant l'invasion de l'Union Soviétique dans le but de « liquider » les Juifs, Tziganes, commissaires politiques du Parti communiste et résistants. Trois de ces groupes (Einsatzgruppe A, B, et C) sont rattachés aux groupes de l'armée qui participent à l'invasion, et le quatrième (Einsatzgruppe D) est envoyé en Ukraine sans être rattaché à un groupe armé. Tous opèrent dans les territoires occupés par le Troisième Reich sur le front Est.
Il y a approximativement 600 à 1 000 hommes dans chaque Einsatzgruppe, bien que beaucoup fassent partie du personnel de soutien. Les membres actifs des Einsatzgruppen proviennent de différentes organisations militaires ou non militaires du Troisième Reich. La majorité des membres appartient aux Waffen-SS, branche militaire des SS. Dans le groupe d'intervention A, par exemple, la répartition des membres actifs est la suivante :
Waffen-SS : 340
Gestapo : 89
SD (service de sécurité) : 35
Police de l'ordre (Ordnungspolizei) : 133
Kripo (Kriminalpolizei) : 41.
Chaque Einsatzgruppe est en outre divisé en sous unités opérationnelles, les « Einsatz kommandos » (commandos d'intervention) ou les « Sonderkommandos » (commandos spéciaux).
Côté allemand, les Einsatzgruppens ne sont pas les seules unités chargées de l’élimination des Juifs et des résistants communistes : peu avant l’invasion de l’URSS, Himmler créée trois hauts commandements régionaux des SS, les HSSPF ou « Höhere SS und Polizeiführer », qui sont ses représentants directs auxquels sont subordonnés les troupes de police, les troupes de SS et les Einsatzgruppens. Ces troupes spéciales, outre le maintien de la sécurité, ont deux missions principales : d’une part lutter contre les partisans, et d’autre part exécuter les fonctionnaires du parti communiste soviétique, les éléments radicaux et les « juifs occupant des positions dans le parti et l’Etat ». Ces trois commandements sont :
En Russie du nord, le HSSP Obergruppenführer Hans Adolf Prützmann, (remplacé en novembre 1941 par Friedrich Jeckeln) qui a sous ses ordres le Régiment de Police Nord et la seconde brigade d’infanterie SS qui opère sur le front.
En Russie Centrale le HSSP Obergruppenführer von dem Bach Zelewski qui a sous ses ordres le régiment de Police Russie Centre (Oberstleutnant der Schutzpolizei Max Montua) et la brigade de cavalerie SS commandée par Hermann Fegelein
En Russie sud le HSSP Friedrich Jeckeln (remplacé par Prützmann) qui a sous ses ordres le régiment de Police Russie Sud et la 1ère brigade de cavalerie SS commandée. Einsatzgruppen sont enfin aidés : ils peuvent solliciter l'aide de la Wehrmacht, qui reste en général assez réticente mais met souvent à disposition des EG sa logistique. Ce sont surtout des troupes des milices locales des territoires conquis qui vont participer en nombre aux massacres. Il s’agit la plupart du temps d’auxiliaires lettons, lituaniens, estoniens et ukrainiens. L’antisémitisme est en effet virulent aussi bien dans les pays Baltes qu’en Ukraine. En Ukraine, les Einsatzgruppen acceptent volontiers la participation des milices locales à la fois parce qu'ils ont besoin de l'aide de ces auxiliaires mais aussi parce qu'ils espèrent impliquer les habitants du pays dans les pogroms qu'ils dirigent. (Rapport Opérationnel 81, de l'Einstazkommando 6, 12 septembre 1941).
Ainsi, à Babi-Yar, près de Kiev, où 33 771 Juifs sont assassinés les 20-30 septembre 1941, deux « Kommandos » ukrainiens assistent le Sonderkommando 4a. Pendant la «Gross Aktion» du 28-29 octobre 1941, à Kaunas en Lituanie, au cours de laquelle 9.200 Juifs sont massacrés, les milices lituaniennes travaillent avec les Einsatzgruppen. A Zhitomir en Ukraine, 3 145 Juifs sont assassinés le 18 septembre 1941 avec l'aide de la milice ukrainienne (Rapport Opérationnel 106) ; Le « Rapport Opérationnel 88 » rapporte que le 6 septembre 1941, 1 107 adultes juifs sont fusillés tandis que l'unité de la milice ukrainienne liquide 561 enfants et jeunes Juifs. Dans bien des cas, la milice qui assiste les Einsatzgruppen est payée avec l'argent et les objets de valeur volés aux victimes.
L’Einsatzgruppe A
Territoire des opérations de l'Einsatzgruppe A
Territoire des opérations de l'Einsatzgruppe A
Commandée par Stahlecker, l’EG-A, parti de Gumbinnen en Prusse Orientale le 23 juin 1941, l’Einsatzgruppe A avance jusqu’à Tilsitt le long de la frontière lituanienne et entre à Kaunas le 25, suivant de très près l’avance de la Wehrmacht. Le quartier général de l’EG-A s’installe à Riga et supervise les opérations en Lituanie et en Lettonie. Le 10 juillet 1941, l’EK-1a commence les opérations en Estonie, pendant que l’EK-1b opère dans la zone sud de Leningrad (région de Psok, Ostrov et Opotchka). Le commandant de l’EG-A prévoit d’entrer à Leningrad et négocie avec l’Etat major de la, IVème Panzerdivision et plus particulièrement avec la Division SS Totenkopf, prévue pour pénétrer la première dans la ville. Aussi le QG est transporté à Pskov où le rejoignent des sections des SK-1a et EK-2 et EK-3. Mais lorsque le front se stabilise devant Leningrad, les unités sont transférées à Krasnogvardeyski (Gatchina).
Le Sonderkommando SK1-a est constitué en juin 1941 et dissout en octobre 1944. Il suit la 18è armée, organise des « Aktionen » (opérations de terreur et de massacres) qui débutent le 27 juin dans la région de Liepaja (Libau) et Yelgava ; il entre à Riga en compagnie du quartier général de l’EG-A aux premiers jours de juillet. Il devient en décembre 1941 l’Office de la SIPO et du SD d’Estonie. Commandé par Martin Sandberger jusqu’en 1943 et par Bernhard Baatz jusqu’en octobre 1943, il opère principalement dans les zones de Gumbinnen, Liepaja, Jelgava, Mitau, Riga, Pskov, Fellin, Pärnu, Tallinn, Dorpat, Narwa.
Le Sonderkommando SK1-b est constitué en juin 1941 et dissout en octobre 1944. Il devient en décembre 1941 l’Office de la SIPO et du SD de Biélorussie. Commandé par Erich Ehrlinger jusqu’en novembre 1941, par Walter Hofmann jusqu’en mars 1942, par Eduard Strauch de mars à août 1942 et par Erich Isselhorst jusqu’en octobre 1943, il opère dans les zones de Kovno (Kaunas), Minsk, Daugavpils (Pinsk), Zilupe, Ostrav, Rezekne, Staraya Russa, Tschudowo, Tosno, Wilejka.
L'Einstazkommando EK-1 entre à Kaunas le 28 juin et Daugavpils (Pinsk – Dunaburg) le 8 juillet 1941. En 1942, il est divisé en deux : l’Einstazkommando 1b, constitué mi 1942 et commandé par Hermann Hubig, qui opère jusqu’en novembre de la même année dans la zone de Loknja. L’Einstazkommando 1c, constitué le 1 août 1942 opère dans la zone de Krasnogwardeisk et Nataljewka et est dissout le 28 novembre 1942.
L’Einstazkommando 2 EK2 est constitué en juin 1942 et sera dissout en 1944. L’EK-2 arrive à Siaulai le 27 juin puis progresse plus tard vers Riga. Il devient en décembre 1941 l’Office de la SIPO et du SD de Lettonie. Commandé par Rudolf Baatz jusqu’au 4 novembre 1941 puis par Eduard Strauch jusqu’au 2 décembre 41 et par Rudolf Lange jusqu’en 1944. Il opère principalement à Siauliai (Schaulen), Liepaja (Libau) et Riga.
Créé en juin 1941, l’EK-3 entre à Kaunas le 2 juillet et organise des « Aktionen » en Lituanie. Le 9 août, il remplace l’EK-9 de l’EG-B à Vilnius (Vilna). Il devient en décembre 1941 l’Office de la SIPO et du SD de Lituanie. Commandé jusqu’au 1 août 1943 par Karl Jäger, puis par Wilhelm Fuchs jusqu’en mai 1944 et enfin par Hans Joachim Böhme jusqu’en janvier 1945. Il opère en Lituanie et dans la partie attenante de l’Union Soviétique. Il est dissout en janvier 1945. Le célèbre rapport Jäger énumère une bonne partie des massacres qu’il a opérés.
Fin septembre 1941 Stahlecker est nommé commandant de la SIPO et du SD dans les pays Baltes et en Biélorussie avec QG à Riga. Le SK-1a est divisé en sections et réparti dans divers offices de la SIPO et du SD en Estonie. L’EK-2 est réparti dans les offices régionaux de Lettonie et l’EK-3 en Lituanie. La majeure partie du SK-1b est transférée à Minsk, alors que les petites unités mobiles du SK-1a et du 1b continuent à fonctionner dans la région de Léningrad. Le 24 mars 1942 le Brigadeführer Heinz Jost remplace Stahlecker, tué le 23 mars 1942 dans un combat avec les partisans soviétiques dans la région de Krasnogwardeisk.
L’Einsatzgruppe B
Territoire des opérations de l'Einsatzgruppe B
Le 24 juin 1941 l’EG-B avance par Poznan vers Varsovie, tandis que le SK-7a rejoint la 9è armée qui avance à travers la Prusse Orientale et arrive à Vilnius le 30. Le 3 juillet il est relevé par le EK-9, rejoint Minsk et est transféré avec le « Vorkommando Moskau » sur la zone de la 4è Panzerarmee. Le 5 août 1941, le quartier général se déplace sur Smolensk où est déjà stationné le « Vorkommando Moscou ». Une de ses unités avancées suit le 4è Panzergruppe qui avance vers Moscou. Début octobre 1941, il rejoint les unités avancées de l’EK-9, alors que le « Vorkommando Moskau » opère à Medyn et Maroyaroslavetz.
Constitué en juin 1941, le Sonderkommando 7a opère principalement à Vilna, Nevel, Gorodoik, Vitbesk, Welish, Rshev, Vyazma, Kalinin, Klinzy. On sait qu’au 15 décembre 1942 il a au moins exécuté 6 788 personnes. Il est dissout en novembre 1944.
Constitué en juin 1941, le Sonderkommando 7b arrive à Minsk le 4 juillet après avoir passé par Brest Litovsk, Kobrin, Pruzhany, Slonim et Baranovici. Le 5 juillet le quartier général de l’EG-B atteint Minsk où il reste durant 5 semaines. Il est alors décidé que les Sonderkommandos suivraient l’avance de la Wehrmacht et que les Einsatz kommandos continueraient d’opérer dans les zones conquises. Le SK 7b opère alors à Brest-Litovsk, Kobrin, Pruzhany, Slonim, Baranovichi, Minsk, Orsha, Klinzy, Briansk, Kursk, Tserigov, Orel. Il sera dissout en novembre 1944. On sait qu’au 15 décembre 1942 il a au moins exécuté 3 816 personnes. Par la suite, les SK-7a et SK-7b réalisent des opérations de tueries de masses dans de vastes secteurs à l’est et au sud de Minsk et de Smolensk, ainsi que dans les villes de Veliki-Luki, Kalinin, Orsha, Gomel, Tchernigov, Or’ol et Koursk.
L’EK-8, constitué en juin 1941, rejoint Bialystok le 1 juillet. En passant par Slonim et Baranovici, il perpètre des exécutions en masse dans le sud-ouest de la Biélorussie. Il s’installe à Minsk du 6 août au 9 septembre 1941 puis rejoint Moghilev qui devient son quartier général. De Moghilev, il opère dans le sud-est de la Biélorussie et envoie des unités à Bobruisk, Gomel, Roslavl’, Volkovisk, Baranovichi, Lahoysk et Klinzy. C’est l’unité la plus sanguinaire de l'Einsatzgruppe B : au 15 décembre 1942 elle a massacré 74 740 personnes. L’unité est dissoute en octobre 1943.
Parti de Varsovie, l’EK-9 rejoint Vilnius par Treubur en Prusse Orientale le 2 juillet. Des sous-unités œuvrent à Grodno et Bielsk-Podlaski. Le 20 juillet, il occupe la zone au nord de l’axe routier Minsk-Moscou. L’unité principale demeure à Vitebsk, et des sections sont envoyées à Polotzk, Nevel, Lepel et Surazh. Suite à l’avance de la Wehrmacht vers Moscou, il s’installe à Vyazma et envoie des unités vers Gsthatsk et Mozhaisk, tout près de la capitale soviétique. Après le 21 décembre 1941, il retourne à Vitebsk et opère à Vilna, Grodno, Lida, Bielsk-Podlaski, Nevel, Lepel, Surazh, Vyazma, Gshatsk, Mozhaisk, Vitbesk, Smolensk, Varena. Au 15 décembre 1942, il a exécuté 41 340 personnes. Il est dissout en mars 1944.
Le « Vorkommando Moskau » ou Sonderkommando 7c est actif de juin 1941 à janvier 1942. Il est incorporé après la retraite de Moscou au Sonderkommando 7b. Il opère principalement dans la région de Smolensk. On sait qu’au 15 octobre 1942 il a au moins exécuté 4 660 personnes.
L’Einsatzgruppe C