Seconde Guerre mondial

Seconde Guerre mondial

Les Einsatzgruppen 3 partie

Les méthodes des Einsatzgruppen

Les fusillades

Passé les premières semaines de l’offensive Barbarossa, lorsqu’à partir de mi-août le génocide se met en place, les Einsatzgruppen procèdent en général toujours de la même manière : prise d’une ville avec exactions, rassemblement des gens sous divers prétextes avec éventuellement constitution de ghettos et Judenrat, transport vers les lieux de massacres, déshabillage et exécution.

 

À Babi-Yar, des affiches placardées dans toute la ville par la milice ukrainienne informent les Juifs de Kiev qu'ils doivent se rassembler à 8h au matin le 29 septembre 1941 au cimetière près d'un quai de gare pour être « réinstallés » ailleurs. On leur demande d'apporter de la nourriture, des vêtements chauds, des documents, de l'argent, et des objets de valeur. (Dawidowicz, What, 103-4). Rassemblés en divers points de la ville, ils sont emmenés, souvent brutalement, au bord du ravin de Babi Yar, à 10km du centre ville, et abattues par des équipes de mitrailleurs. Le massacre dure 5 jours et fait quelque 33 700 victimes.

 

«Après avoir été enregistrés, les Juifs étaient réunis en un endroit d'où ils étaient ensuite transportés jusqu'au lieu de l'exécution, qui était, en général, un fossé anti-tanks ou une excavation naturelle. Les exécutions étaient effectuées militairement, par des pelotons d'exécution sous commandement. »

Il faut nuancer le témoignage d’Ohlendorf, car tous les groupes, et de très loin, n’utilisent pas ces méthodes de précision militaire, comme Ohlendorf en témoigne d’ailleurs plus loin :

« Quelques chefs d'unité n'effectuaient pas les liquidations militairement, mais tuaient leurs victimes simplement d'une balle dans la nuque ».

 

Ces fusillades par pelotons d’exécution commandés vont rapidement faire place aux fusillades non commandées, avec comme préalable le déshabillage des victimes dont on récupère les affaires. La méthode généralement utilisée est le coup de fusil ou de pistolet dans la nuque, la victime étant agenouillée au bord de la fosse et basculant dans le trou. Souvent aussi les tueurs obligent les groupes à se coucher au fond de la fosse, visage contre terre, les fusillent, et ordonnent aux victimes des groupes suivant de s’étendre sur les cadavres de leurs prédécesseurs.

 

Mais ces fusillades ne sont pas l’idéal pour les tueurs. Elles sont terriblement éprouvantes pour le moral des troupes et l’alcool qui coule à profusion lors des massacres n’y change rien. Les 15 et 16 août 1941, Himmler rend visite à l'Einsatzgruppe B et assiste alors à une exécution de masse d'un groupe d'une centaine de Juifs à Minsk. Un témoin oculaire décrit ce qui s'est passé tandis qu'il regarde le massacre :  Comme la fusillade commençait, Himmler devint de plus en plus agité. À chaque salve, il baissait les yeux.

 

L'autre témoin est le HSSPF von dem Bach-Zelewski. Von dem Bach s'adresse à Himmler : 

« Mon Maréchal, ceux ne sont là qu'une centaine. Regardez les yeux des hommes de ce commando, comme ils ont l'air profondément secoués. Ces hommes sont finis « fertig » pour le restant de leurs jours. Quel genre de recrues formons-nous ici ? Ou bien des névropathes ou bien des sauvages. »

Otto Ohlendorf explique dans sa déposition à Nuremberg:
« Himmler avait donné un ordre spécial pour que les femmes et les enfants ne soient pas exposés à la tension mentale que constituaient les exécutions, et ainsi les hommes des Kommandos, pour la plupart des hommes mariés, ne seraient pas obligés de tirer sur des femmes et des enfants. »

Les zones d'action des camions à gaz en Europe de l'Est

Dans sa déposition, Wentritt, chef d’atelier au Referat II D3a du RSHA, déclare à ce sujet:

« On était encore en 1941 lorsque mon chef de service, le Commandant Pradel, me convoqua. Il m’expliqua que les Erschiessungskommandos souffraient souvent de crises nerveuses pendant leur service - ou du moins y étaient sujets - de sorte qu’il était nécessaire de trouver un type de mise à mort plus humain. Pour ce faire, nous avions besoin, comme Pradel me l’exposa, de véhicules fermés ». 

Sur ordre de Rauff, Pradel et Wentritt, se rendent à Berlin-Neukölln pour visiter la Firme Gaubschat, spécialisée dans la construction de superstructures ; ils prétendent avoir besoin de véhicules dans lesquels on pourrait transporter des personnes mortes du typhus. Il est convenu que le RSHA livrerait les châssis à la firme, « laquelle devrait les pourvoir d’une superstructure ». La commande est directement passée par Rauff. Après que les châssis eurent été livrés à la Firme Gaubschat, Wentritt vint chercher lui-même le premier véhicule achevé. Comme il s’agit d’une « Geheime Reichssache » (secret d’État), c’est dans l’atelier du Referat II D3a, qu’il entreprend les transformations de la superstructure en chambre à gaz alimentée par les gaz d’échappement du moteur. Peu de temps après, début novembre a lieu un essai de gazage au camp de concentration de Sachsenhausen, gazage concluant effectué sur 30 personnes. Les autres véhicules commandés à la firme Gaubschat (Diamond et Opel-Blitz) sont alors eux aussi aménagés en camions à gaz.

 

Les premiers camions à gaz sont mis en service à la fin de novembre ou au début de décembre 1941. La première utilisation attestée d’un camion à gaz à lieu dans le domaine d’intervention de l’Einsatzgruppe C à Poltawa et est le fait du Sonderkommando 4a. La mise en œuvre de camions à gaz par un commando déjà connu, le Spezialkommando Lange, est attestée pour la date du 8 décembre à Chelmno, où deux « camions de petite taille » sont mis en service. Gustav Laabs, le chauffeur d’un de ces camions déclara dans sa déposition : « J’ai constaté plus tard que ces camions étaient des 3 tonnes de fabrication américaine, L’intérieur de la superstructure de ces camions était, comme j’ai pu le voir plus tard de 4m de long sur 2m de large. 

 Dans le camion que je conduisais, 50 personnes environ sont mortes gazées ». Deux autres camions à gaz de petite taille sont amenés de Berlin à Riga avant Noël 1941 et 1 autre, pouvant contenir environ 50 personnes est livré à l’Einsatzgruppe D pour la fin de l’année 1941. Le Höherer SS-und Polizeiführer Jeckeln déclare dans sa déposition du 21 décembre 1945: « Lorsqu’en décembre 1941, à Lötzen, je fis part par oral à Himmler de l’exécution d’un ordre concernant la fusillade des Juifs du ghetto de Riga, celui-ci me dit que la fusillade était une opération trop compliquée. L’exécution au fusil nécessitait des gens qui savaient tirer, et de plus, elle avait des effets nuisibles sur ces derniers. C’est pourquoi, ajouta Himmler, il serait bien mieux de liquider les personnes en utilisant des « camions à gaz », qui avaient été mis au point conformément à ses indications » 

D’autres camions, plus gros, de la marque Saurer, sont aussi aménagés en camions à gaz. Il s’agit de camions de 5 tonnes, dont la superstructure est de 5,8m.de long sur 1,7m de haut, pouvant transporter jusqu’à cent personnes et équipés d’un système de déchargement plus rapide. 30 sont commandés fin 1941 à la firme Gaubschat.

Le camion à gaz Opel

En avril 1942, 22 sont déjà livrés. Ce même mois, le SS-Gruppenführer, Harald Turner, demande et obtient un camion à gaz pour tuer les Juifs de Belgrade. Le 9 juin, ce camion Saurer, une fois sa « mission spéciale » accomplie, retourne à Berlin. Après avoir subi les réparations nécessaires, il est envoyé à Riga, conformément à la demande du 15 juin. Des camions à gaz ont été vus fréquemment roulant vers l’Est et faisant escale à Cracovie ou à Breslau. Le chef de l’Einsatzgruppe D, Ohlendorf, déclare dans sa déposition que les camions à gaz n’appartenaient pas au parc automobile des l’Einsatzgruppen, mais avaient été envoyés de Berlin. Pour les conduire, des chauffeurs, préalablement formés à leur maniement, étaient dépêchés sur place. Ces chauffeurs de camions à gaz déclarèrent dans leurs dépositions, être allés chercher les véhicules à Berlin sur ordre de l’Einsatzleiter du Groupe II D3a et les avoir conduits sur le lieu de leur mise en service. C’est donc le Referat II D3a qui est responsable du fonctionnement des camions à gaz. Sur ordre de Rauff, le SS-Untersturmführer August Becker rend visite aux Einsatzgruppen pour contrôler le fonctionnement des camions et remédier aux problèmes qui se présentent. Ces déplacements l’occupent de la mi-janvier à septembre 1942. Becker est le « spécialiste » allemand de la mise à mort des être humains par gaz dans le cadre de l'opération dite d'Euthanasie (action T 4) au, cour de laquelle des dizaines de milliers de malades mentaux et d'handicapés furent assassinés. A la fin de sa mission dans le cadre de l'action T 4, il est affecté aux questions techniques des gazages à l'Est.

Cependant, les camions à gaz n’offrent pas la solution idéale : non seulement la méthode était lente, mais, selon Otto Ohlendorf, elle n'est pas appréciée par ses hommes parce que « décharger les cadavres constituait une tension psychologique inutile ». Enfin, par mauvais temps, les camion Saurer s’embourbent très facilement et sont pratiquement inutilisables. Aussi l’utilisation des camions à gaz reste une solution certes régulièrement utilisée, mais de bien moindre envergure que les fusillades, qui demeurent la technique la plus courante.  

 Les camps d’extermination

Au printemps 1942, le génocide s’accélère avec la création des camps d’extermination dont le premier, Chelmno, avait commencé à fonctionner dès le 8 décembre 1941 : avec Belzec, Treblinka, Sobibor, et Maïdanek, ce sont des dizaines de milliers de victimes qui sont englouties : aussi le travail des Einsatzgruppen, du moins les commandos stationnés dans la zone des centres de mise à mort, va consister à liquider les centaines de ghettos de leurs habitants, d’en massacrer un certain nombre et d’en envoyer la plupart dans ces camps.  

Dans d’autres lieux, ils « accueillent » des convois de déportés venant de l’Ouest, et se chargent de les liquider dans les forêts voisines des grands centres d’accueil comme le fort VII de Posen-Poznan, la forêt de Grochowce près de Przemysl, la forêt de Krepiec près de Lublin, celle de Rumbula près de Riga, Maly Trostinec près de Minsk.

Poznan : plan du fort VII

 

La famille de Frima était confinée dans un ghetto. Les Nazis utilisèrent un temps son père comme interprète. Mais il mourut peu après. Prétendant ne pas être juives, Frima, sa mère et sa soeur échappèrent au massacre auquel se livra un escadron mobile allemand. Mais on les découvrit par la suite et elles furent incarcérées. A nouveau, sa mère préconisa la fuite. La mère et la soeur de Frima purent passer clandestinement en Roumanie tandis que Frima erra à la recherche d'un lieu sûr jusqu'à ce que sa mère parvint à la faire sortir du pays. En Roumanie, elles furent réunies et libérées.

Un matin, très tôt, nous avons entendu frapper aux portes et aux fenêtres, et des hurlements, vous savez, "Sortez, sortez, sortez." Alors nous nous sommes habillés rapidement et nous sommes sortis de la maison où nous vivions. La Gestapo était là et nous a dit d'aller dans une certaine direction. Ma mère me mit le beau manteau en lapin que j'avais. Mon manteau en lapin et un chapeau. Et nous nous sommes mis à suivre les autres gens, et ils nous ont emmenés dans un grand bâtiment. Ca devait être une usine, et, ils nous ont dit de nous déshabiller. Et ils nous faisaient enlever nos bijoux et tout... tous les objets de valeur qu'on avait sur nous. Ils ont déshabillé...ils nous ont dit de nous déshabiller. Nous nous sommes exécutées. Les femmes restaient en sous-vêtements et les hommes en caleçon. Et comme ma mère n'allait pas assez vite pour retirer ses boucles d'oreille en or, un homme de la Gestapo l'a frappée avec la crosse d'un fusil. Et elle s'est écroulée. Nous l'avons relevée. Et nous tous... nous étions une centaine... nous étions déjà déshabillés, et nous devions nous mettre en rangs dehors. La journée était nuageuse, très nuageuse, et une bruine commençait à tomber. Et toutes les femmes étaient si gênées de ne rien avoir pour se protéger qu'elles se couvrirent toutes la poitrine avec leurs mains. Et ils ont constitué des groupes et nous avons commencé à marcher dans la rue, en suivant les autres. Alors que nous traversions certaines rues, des Ukrainiens applaudissaient sur notre passage et ils applaudissaient et riaient encore parce qu'on nous faisait ça à nous. Nous avons continué à marcher en silence, sans mot dire, jusqu'à la sortie de la ville.

 

Herschel était le benjamin des trois enfants d'une famille juive parlant yiddish. Lorsque Herschel était enfant, sa famille partit s'installer à Radom, une ville industrielle à forte population juive. En 1930, Herschel avait terminé ses études et aidait son père dans sa cordonnerie. Avec l'aide d'un ami, il trouva ensuite un emploi de peintre en bâtiment à plein temps.  

1933-39: La carrière de peintre d'Herschel fut interrompue pendant deux ans. Agé de vingt ans, il avait été incorporé dans la cavalerie polonaise. Lorsque l'Allemagne menaça d'attaquer la Pologne en août 1939, Herschel fut rappelé dans l'armée. Alors que l'Allemagne occupait la Pologne, il réussit à ne pas être fait prisonnier de guerre et rentra chez lui. Comme les Allemands avaient roué son frère aîné Itzik de coups, il emprunta de l'argent et s'enfuit à l'est, dans la ville de Slonim située en Pologne, alors occupée par les Soviétiques.  

1940-41: A Slonim, Herschel trouva un nouvel emploi de peintre mais, en 1941, il tomba d'un échafaudage et se brisa la jambe. Il se trouvait à l'hôpital quand les Allemands attaquèrent l'Union Soviétique le 22 juin 1941. Trois jours plus tard, les troupes allemandes dévastèrent Slonim. La plupart des amis d'Herschel put s'enfuir à temps, mais Herschel était étendu sur son lit d'hôpital, désemparé. Les troupes de combat allemandes continuaient leur avancée en Union Soviétique. Elles étaient suivies par des escadrons mobiles meurtriers. Ils entrèrent dans Slonim pour tuer les Juifs.  

Comme d'autres patients de l'hôpital de Slonim, Herschel fut abattu sur son lit. Il avait vingt-cinq ans. 



10/07/2012
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