Seconde Guerre mondial

Seconde Guerre mondial

Les Einsatzgruppen 6 e partie

  Les grands massacres

 

Einsatzgruppen : massacres entre le 17 juillet et le 31 août 1941

 

Einsatzgruppen : massacres entre le 22 juin et le 6 juillet 1941

 Einsatzgruppen : massacres entre septembre et octobre 1941

Le massacre des Juifs de Lettonie

En mars 1941, en préparant l'attaque contre l'URSS, Hitler confie à Heinrich Himmler, Reichsführer SS et à son adjoint Reinhard Heydrich, chef du Sicherheitsdienst « SD » l’organisation de l'annihilation immédiate et complète des Juifs qui résident dans le territoire du futur « Reichskommissariat Ostland », les territoires des états baltes, Estonie, Lituanie et Lettonie, ainsi que la Biélorussie. À cette fin est créée l'« Einsatzgruppe A der Sicherheitspolizei und des SD ». Les nazis décident d’associer à leur action les antisémites locaux, particulièrement virulents dans les pays baltes. En juin 1941 Reinhardt Heydrich donne l’instruction secrète d’agir en sorte que les actions antisémites apparaissent comme une expression spontanée de haine anti-juive de la part des Lituaniens, Estoniens ou Biélorusses. L'instruction précise notamment :

« Aucun obstacle ne sera mis à la manière par laquelle les anticommunistes et les antisémites souhaitent mener leurs actions de purification dans les territoires nouvellement conquis. Au contraire, ces actions devront être intensifiées, et, au besoin, elles devront être canalisées de manière à ne donner à ces groupes d’autodéfense aucune possibilité de se référer plus tard à des ordres ou des promesses politiques venant de l’extérieur. » 

En termes clairs, il faut faire « porter le chapeau » aux antisémites locaux. Il est projeté de filmer et de photographier les actions criminelles des antisémites locaux et d'autres partisans des nazis afin de faire une ample collection de preuves, avec l’intention très claire de falsifier l’histoire et de compromettre les nations conquises.

C’est la Lettonie qui la première voit arriver l’Einsatzgruppe A, commandé par le SS Brigadeführer et docteur en droit Walter Stahleker. Le groupe est formé de 990 membres de la police allemande, de la Gestapo et des Waffen SS. Il est réparti en unités spéciales de massacre, Einsatz- et Sonderkommandos, avec environ chacun 150 hommes. L’Einsatzgruppe est accompagné de Lettons qui avaient fui leur pays en 1939 lorsqu’il était tombé aux mains des Soviétiques, et qui s’étaient réfugiés en Allemagne où ils étaient bien connus pour leur anticommunisme et leur antisémitisme virulent. Très rapidement, ils jouent le rôle de relais, prenant contact avec les réseaux de résistants anti-Soviétiques et de nombreux membres de l'organisation « Rkonkrusts » (« Croix du tonnerre »), avec comme objectif de les impliquer dans l’extermination des Juifs et des communistes.

Rkonkrusts est une organisation nationaliste fasciste créée en 1930, violemment antisémite, anti soviétique, mais aussi anti germanique. Cette organisation est interdite par les Soviétiques en 1939 et ses membres poursuivis. Beaucoup se réfugient en Allemagne nazie. 

 Lorsque la Wehrmacht s’empare de la Lettonie, Rkonkrusts tente de revivre, mais les nazis se méfient de ce mouvement, à leur goût beaucoup trop nationaliste, et ne permettent pas sa renaissance. Quelques anciens dirigeants du mouvement restent en effet fidèles à leur anti-germanisme viscéral et vont bientôt rejoindre les rangs de la résistance. Mais de nombreux autres se lancent dans la collaboration : en lien avec la police lettone et l’armée, ils forment des milices secrètes au service des nazis pour, sur leurs ordres, terroriser la population et exterminer les Juifs et les sympathisants communistes.

Le 8 juillet 1941, tout le territoire letton est sous occupation nazie. Seuls environ 15 000 juifs lettons sont parvenus à s'échapper à l'est. Plus de 75 000 d'entre eux sont aux mains des nazis. Mais les massacres ont commencé dès la nuit du 23 au 24 juin 1941, lorsque les membres du SD exécutent 6 Juifs de Grobija dans le cimetière. Les jours suivants 35 juifs sont exterminés à Durbe, Priekule et Asote. Le 29 juin les nazis forment la première unité auxiliaire lettone à Jelgava. Elle est commandée par Martiuš Vagulins, membre du « Rkonkrusts ». Durant l’été 1941, les 200 à 300 hommes de l'unité participent à l'extermination d'environ 2 000 juifs à Jelgava et dans la province de Zemgale (centre sud de la Lettonie). Le massacre est dirigé par les SS allemand Rudolf Batz et Alfred Becu et les hommes de l’Einsatzgruppe. La synagogue principale de Jelgava est détruite.

 

Après la prise de Riga W. Stahlecker, secondé par les membres de « Rkonkrusts » et d'autres collaborateurs locaux, organise le pogrom des Juifs dans la capitale de la Lettonie. Viktors Arajs, 31 ans, ancien membre de « Rkonkrusts » est nommé chef de l’opération. Ce « éternel étudiant » est fanatisé par son épouse, une riche propriétaire de magasins, de dix ans son aînée. Arajs avait travaillé un certain temps dans la police, mais s'en était vu chassé à cause de son extrémisme. C’est un homme bien repu, très coquet, portant fièrement son chapeau d’étudiant. Le 2 juillet Arajs commence à former son unité armée chargée de vider la Lettonie de ses « juifs et communistes. » Au début, l’unité comprend essentiellement de nombreux étudiant, membres de diverses organisations, mais rapidement elle s’adjoint de nombreux individus louches et de membres de la pègre locale… En 1941 elle est forte d’environ 300 hommes. Les principaux adjoints de Victor Arajs sont Konstantin Karis, Alfred Dikmanis, Boris Kinsler et Herbert Cukurs. La nuit du 3 juillet, le commando d'Arajs commence à arrêter, maltraiter et voler les juifs de Riga. Le 4 juillet, la synagogue de la rue Gogoya est incendiée, puis c’est le tour des synagogues des Maskavas et Stabu. Rapidement, le pogrom tourne au massacre, et de nombreux Juifs sont tués, y compris des Juifs réfugiés de Lituanie. Ces massacres sont censés servir « d'exemple » pour d'autres antisémites pronazis. Au 16 juillet, il y a déjà 2 700 morts et 2 000 prisonniers qui seront exterminés avant la fin du mois.

 Groupes d’enfants avant leur exécution par les Einsatzgruppen 

A Daugavpils l'extermination des juifs est d’abord commandée par Erich Ehrlinger, chef de l’Einsatzkommando 1B. Au 11 juillet il a fait massacrer environ 1 150 personnes. Le travail d'Ehrlinger est poursuivi par Joachim Hamann, responsable du massacre de 9 012 Juifs dans la ville et dans la province du Latgale méridional. Le chef de la police auxiliaire locale Roberts Blazmanis collabore en assurant le déplacement des Juifs au ghetto de Grava et leur convoyage sur les sites d’exécution. A Rezekne les massacres sont commis par un groupe de SS assisté par des hommes du « commando Arajs ». Environ 2 500 personnes sont exterminées. Pour tout le mois d’octobre 1941, environ 35 000 Juifs lettons sont tués.

 Babi Yar : carte de Kiev, des sites de rassemblement et du ravin de la mort 

La prise de la ville par les Allemands

Les 19 et 20 septembre 1941 Kiev est occupée par la 6è armée allemande. A ce moment 875 000 personnes habitent la ville, dont 175 000 Juifs, représentant 20% de la population. Quelques unes des plus importantes industries de guerre avaient été évacuées par les Soviétiques avec tout leur personnel. Parmi celui-ci, 20 à 30 000 Juifs ukrainiens. Entre 130 et 140 000 Juifs tombent donc entre les mains des nazis. La population, se souvenant de l’occupation de la ville par les Allemands en 1918, est convaincue que les nazis vont se comporter comme leurs aînés, de façon amicale et civilisée. On est convaincu que les occupants vont rendre leurs droits et leurs propriétés aux gens spoliés par le régime stalinien. Pour les Ukrainiens, la Wehrmacht ressemble à une armée de libération. Les Juifs sont à cent lieues de s’imaginer le sort qui les attend. Mais dès la première journée d’occupation, des Juifs sont poursuivis et quelques-uns assassinés. Les Allemands n’envisagent cependant pas l’établissement d’un ghetto.

 Babi-Yar, près de Kiev : le ravin de la mort. Vue aérienne

La forêt de Krepiec Les premières exécutions

La forêt de Krepiec est située 11 kilomètres de Lublin, près de la route principale reliant Lublin à Zamosc et à Chelm. Pendant l’occupation nazie, la forêt est l’un des plus grands emplacements de massacres collectifs dans la zone de Lublin. Le 3 mai 1940 a lieu la première exécution : un groupe d'otages polonais et juifs est éliminé à Krepiec pour venger l'assassinat d'un fonctionnaire SS de Lublin, le Hauptsturmführer Loska. Un autre groupe de prisonniers polonais et juifs, sorti de la prison de la Gestapo « le château » de Lublin, est probablement exécuté à Krepiec en 1941. Après la guerre, les témoins du village de Krepiec relatent aussi que des prêtres et des religieuses se trouvaient parmi les victimes des premières exécutions dans la forêt de Krepiec. Le nombre exact de victimes de ces premières exécutions n'est pas connu et les sources détaillées sur ces meurtres n’existent plus. 

Le massacre des juifs de Przemysl dans la forêt de Grochowce

Tôt le matin de ce 27 juillet 1942, tous les Juifs du ghetto de Przemysl sont séparés en deux groupes. Le groupe le plus grand, se compose de ceux qui vont être déportés à Belzec. Il est emmené sur la grande place « Smietnisko » (« la décharge ») ceinte d’une barrière de barbelés et située près de la rue d'Iwaszkiewicza. Les personnes âgées, les malades et des enfants accompagnés de leurs grands parents sont parqués dans un autre endroit près de rue de Mikolaja. Le groupe principal part pour la gare en soirée. Les personnes âgées sont transportées par camions, tout au long de la journée, à l'emplacement de leur exécution dans la forêt près du village de Grochowce. Ce processus se répète du 31 juillet au 3 août. Le nombre exact des victimes n'est pas connu. Quelques sources parlent de 4 000, mais la plupart de 2 500. Les témoins parlent de 3 fosses communes (deux grandes et une petite). Une de ces fosses a été découverte en 1958 : on a exhumé les restes de 532 victimes que l’on a enterrées dans le cimetière juif. Les travaux d'exhumation ont été interrompus. Le lieu d’exécution dans la forêt est tombé dans l’oubli jusqu'en 2002, lorsqu’un groupe de chercheurs a retrouvé l’endroit.

Le massacre de Grochowce et les événements dans le ghetto qui l'a précédé ont fait l’objet de nombreux témoignages de survivants :

Lettre de Klara Pfeffer à Wiktor Reisner, 1946 :

«  Nous nous sommes préoccupés des personnes âgées, à savoir votre mère, mes parents et tante. C'était une nuit terrible. Les malheureux étaient perdus, mais pourtant courageux. Ils étaient conscients qu’ils allaient devoir travailler durement, qu'ils allaient souffrir, mais qu’après tout ils allaient revenir. je me rappelle même que votre maman (Joanna Thürhaus-Reisner) disait, sarcastique, qu’ils se rendaient « auf eine Landpartie », « à une partie de campagne », elle a sans doute compris que cette tragédie finirait dans la campagne. » 

Témoignage de Bernard Ekert :

« Ce 28 juillet (en fait le 27 juillet) 1942, le jour de la première opération dans le ghetto de Przemysl, j'ai vu de ma fenêtre donnant sur la rue de Boguslawskiego comment les milliers d'infortunés se sont rendus en rangs sur la place connue sous le nom de « décharge » qui leur avait été indiquée comme lieu de rassemblement pour être transportés, comme cela s’est avéré plus tard, à Belzec. Les juifs plus âgés ont été poussés par la Gestapo avec des fouets dans des camions et amenés à Grochowce où ils ont été tués.»

Témoignage de Krystyna Krolik :

« Le 30 juin (en fait le 27 juillet) 1942, la place a été remplie de monde. Chaque personne avait cinq kilos de bagages. Les camions sont arrivés, et on y a chargé ces bagages. Les gens se sont assis, car on ne leur a pas permis de se tenir debout, de circuler ou de parler. On leur a ordonné de remettre leurs objets de valeur et dollars. Des gens ont déchiré leurs billets de banque et ont enterré leurs objets de valeur là où ils se trouvaient. Chaque fois qu’un groupe était parti de se place, ordre était donné de fouiller l’endroit et, naturellement, les objets de valeur ont été retrouvés. Les gens agissaient ainsi malgré le fait que d’enterrer les objets ou de se déplacer était puni d’une balle dans la nuque. 

 

Massacres et déportations à l'Est, juin-juillet 1942

 

Massacres et déportations à l'Est, janvier 1942

 

Les victimes 

Le chiffre exact des victimes est extrêmement difficile à déterminer. Il y eut approximativement 1 500 000 de personnes assassinées par les Einsatzgruppen, en très grande majorité des Juifs. Alors qu'il évaluait ce nombre élevé de victimes, le Juge Michael Musmanno, qui présidait au procès des Einsatzgruppen écrivit :

« Un million de cadavres humains est un concept trop étrange et fantastique pour être appréhendé par un cerveau normal. Comme suggéré précédemment, le choc produit par la mention d'un million de morts n'est aucunement proportionné à son énormité, car pour le cerveau moyen, un million est davantage un symbole qu'une mesure quantitative. Toutefois, si l'on lit en entier les rapports des Einsatzgruppen et si l'on observe les nombres augmenter, s'élever à dix mille, puis à des dizaines de mille, cent mille et au-delà, alors on peut enfin croire que ceci s'est réellement passé : le massacre de sang-froid, prémédité, d'un million d'êtres humains. »

A la fin de l’année 1941 les rapports des Einsatzgruppen donnent les chiffres suivants : 

Einsatzgruppe A : 249 420 Juifs éliminés 

Einsatzgruppe B : 45 467 Juifs éliminés  

Einsatzgruppe C : 95 000 Juifs éliminés 

Einsatzgruppe D : 92 000 Juifs éliminés. 

Le nombre total des Juifs tués par toutes les unités s’élève donc fin 1941 à environ 500 000 Juifs. C’est l’Einsatzgruppe A qui a accompli le premier son objectif de destruction systématique des Juifs dans sa zone. Cette phase, définie comme la première vague de mise à mort, est remplacée à partir de l’automne 1941 par une seconde vague beaucoup plus meurtrière, car exterminationniste, à laquelle la Wehrmacht a été associée de beaucoup plus près. Les Einsatzgruppen sont alors subordonnés aux « Höheren SS- und Polizeiführer », les HSSPF et les chefs des Einsatzgruppen sont nommés « Befehlshaber der Sicherheitspolizei » (BdS) avec des pouvoirs accrus. 

Cette deuxième phase a en effet pour objectif la destruction complète de la population juive avec la mise à mort des juifs encore restés en vie dans toutes les zones occupées. Elle met en œuvre des forces renforcées et beaucoup plus efficaces que la première vague, et fait de plus en plus appel aux troupes d’auxiliaires « Volksdeutsche » locaux, les « Schutzmannschaften » (Schuma), qui fin 1942 atteignent le chiffre de 47 974 hommes ; il faut y ajouter les « Bandenkampfverbände », troupes en principe chargées de combattre les partisans et comprenant 14 953 Allemands et 238 105 « Ost-Hilfswillige » (Hiwis), « auxiliaires volontaires des pays de l’est ». 

Le nombre de victimes de cette deuxième phase se chiffre à au moins 400 000 victimes juives. Soit, avec la première phase, 900 000 victimes Juives. Si on y ajoute les autres victimes Juives des unités antipatisannes, de la Wehrmacht et de l’armée roumaine, le chiffre des victimes Juives massacrées en Union Soviétique (pays baltes compris) avoisine les 1 350 000 personnes. 



12/07/2012
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