LES RAFLES DES JUIFS 1e partie
La rafle de février 1943 à Lyon
La rafle du mois de février 1943 à Lyon s'inscrit dans une action de plus grande envergure. Elle est préparée et orchestrée par le Gouvernement de Vichy en réponse à une exigence des autorités allemandes qui réclament l'arrestation de 2000 Juifs étrangers en représailles d'un attentat perpétré à Paris le 13 février 1943.
Représailles après un attentat : arrestation de 2 000 Juifs étrangers.
Le 15 février 1943, le chef de la section politique de l'ambassade allemande à Paris câble à Berlin : «Le 13 février 1943, vers 21h10, le lieutenant colonel Winkler et le major Dr Nussbaum, de l’état-major du III° détachement de la Luftwaffe, ont essuyé des coups de feu tirés par-derrière, alors qu'ils se rendaient de leur bureau à leur logement. Comme première mesure de représailles, il est prévu d'arrêter 2 000 Juifs et de les déporter vers l'Est».
L'administration française se charge d'organiser rapidement cette rafle. En effet, selon Tal Bruttmann,
Vichy fixe pour chaque région un nombre de Juifs à fournir – à charge pour chaque préfet régional de répartir le quota qui lui a été demandé entre les départements sous son autorité – et, dès le 18 février, transmet ses instructions aux préfets régionaux.
Dans le département de l'Isère, le préfet Raoul Didkowski doit rassembler 25 Juifs.
Dans le département du Rhône, un bordereau des notices individuelles des Juifs étrangers conduits au Fort du Paillet près de Lyon, en vue de leur internement au camp de Gurs liste l'état-civil de 68 hommes. Cependant, ce chiffre est un minimum dans la mesure où des arrestations et des transferts à Gurs ont lieu sans pourtant apparaître sur ce document.
Pour atteindre l'objectif fixé, le préfet du Rhône fait appel aux différentes structures susceptibles de lui fournir rapidement le quota d'arrestations prévu :
Les prisons de Lyon : Petit dépôt, Prison Saint-Paul,
Le commissariat spécial pour les arrestations à Lyon et Villeurbanne,
La gendarmerie pour les arrestations dans les communes environnantes,
Le commandant du Groupe de Travailleurs Étrangers (GTE) au fort du Chapoly sur la commune de Saint-Genis-les-Oullières.
Qui sont les personnes internées selon les directives?
Les directives sont claires : il s'agit de regrouper des Juifs étrangers âgés de 16 à 65 ans et aptes au travail. Outre les apatrides, les nationalités visées sont celles déjà ciblées lors des rafles de l'été 19426, auxquelles s'adjoignent les Belges et les Néerlandais.
Afin d'atteindre le chiffre fixé par la préfecture, les arrestations se font par cercles concentriques : au sein des nationalités 'déportable', on arrête d'abord les célibataires, puis les hommes mariés sans enfants, puis les pères de famille etc.
Suivant instructions Ministérielles vous prie préparer pour mercredi 24 février ramassage d'israélites (sic) étrangers contingent égal à celui du ramassage du XX. Mêmes dispositions devront être envisagées. Si nombre de célibataires insuffisant désigner Chefs ménages sans enfants puis Chefs ménages avec enfants.
Aussi, nul n'est à l'abri d'une arrestation, car même des attaches françaises ou des services civils ou militaires rendus à la France ne protègent plus. Toutefois, les représentants de la police française ne sont pas censés arrêter les femmes.
Où ont lieu les rafles ?
Les rafles s'effectuent dans les deux zones, occupée et anciennement libre selon Heinz Röthke, (chef de la section IV J chargé des questions juives de la IV° Division (Gestapo) à Paris). Il tient ses informations de Jean Leguay (délégué du Secrétaire Général de la police à Paris René Bousquet) qui lui déclare :
L'arrestation de 2000 Juifs par la police française en zone anciennement et nouvellement occupée en exécution des mesures de représailles aurait été mise en route. On aurait déjà interné dans les deux zones jusqu’au 23 février plus de 1 500 Juifs aptes au travail de 16 à 65 ans.
Selon Tal Bruttman, la rafle des 2000 Juifs se fait uniquement dans la zone anciennement libre.
Où ont lieu les arrestations ?
Dans les prisons.
Concrètement, pour répondre aux exigences allemandes, un recensement dans les prisons est opéré : tous les juifs étrangers de la nationalité déportable ont été recensés.
Le cas de Rubin et Hersch GRYNBERG
La famille Grynberg, originaire de Lublin en Pologne, arrive en France en 1933 et s'installe à Paris. Elle se compose de :
- Lejb, Léon, né en 1917 à Lublin, naturalisé Français en novembre 1939,
- Rubin, né en 1919,
- Perla née en 1921,
- Herch né en 1923,
- Syma, dont la date de naissance n'est pas connue, et qui serait naturalisée française.
En Juin 1942, le père décède brutalement d'une attaque cérébrale à l'annonce de son prochain internement au camp de Drancy. Le 16 juillet 1942, la mère, Dina Grynberg et sa fille Perla sont arrêtées à Paris, puis internées à Drancy. Elles sont déportées le 14 septembre 1942 par le convoi n° 32 à destination d’Auschwitz.
Après ces arrestations, les garçons et leur sœur décident de quitter Paris. Ils franchissent la ligne de démarcation dans la Charente, à Saint-Sornin. À leur passage, Lejb qui est Français par décret n'est pas inquiété, tandis que Hersch et Rubin sont transférés au camp de GTE (Groupe de Travailleurs Étrangers) d'Égletons d'où ils sont détachés pour travailler dans une tourbière à Pérols-sur-Vézère en Corrèze. Alors que des rumeurs circulent selon lesquelles ils vont être remis aux autorités allemandes, ils s'évadent du camp pour se rendre à Lyon, où ils trouvent refuge à la synagogue. Du 5 août au 11 décembre 1942, ils restent à Lyon, et sont rapidement rejoints par leur cousin par alliance, Jacob Balzam.
Le 19 février 1943, alors qu'ils n'ont pas comparu devant la justice, Rubin et Hersch sont remis à la police judiciaire. La veille, l'inspecteur de police de la sûreté a rempli la «notice individuelle concernant un étranger proposé pour internement». Rien n'est indiqué à la rubrique « motif de l'internement», cependant que la rubrique «suite donnée» est renseignée : "Conduit à Gurs le 22.2.1943". Leurs noms figurent sur le bordereau daté du 20 février des 'notices individuelles établies à l'encontre d'Israélites étrangers qui ont été conduits, ce jour, au Fort du Paillet, près de Lyon, en vue de leur internement au camp de Gurs' (n° 17 et 56 du bordereau). Conduits à Drancy, ils sont déportés le 4 mars 1943 par le convoi n°50 à destination de Maidanek.
Le cas de Chaïm Zelkowitz et Aron Glasers éclaire plus précisément la procédure employée dans le cas de détenus.
Tous deux sont arrêtés le 23 novembre 1942, ainsi que Dwora Zelkowitz, sœur du premier et épouse du second. Ils sont inculpés avec deux Français de fabrication de fausses cartes d'identité. Chaïm, né à Varsovie, a 22 ans et est célibataire. Aron est Lituanien, marié et père de famille. Le 19 février 1943, le juge d'instruction Bucher donne un ordre de remise en liberté pour ces deux hommes. En ce qui concerne Chaïm, l'écrou est radié. Dans la colonne « transcription des jugements ou arrêts de condamnation » on lit «liberté». Ce jour-là, il est remis à la police judiciaire qui le conduit le lendemain au Fort du Paillet. Sur le bordereau des 'notices individuelles établies à l'encontre d'Israélites étrangers…" Il porte le n°68. Quant à Aron Glasers, le juge d'instruction est revenu sur sa décision, l'écrou n'est pas radié, il n'est pas 'libéré' comme son beau-frère. Ce n'est nullement le fait qu'il soit marié et père de famille qui incite le juge d'instruction à le maintenir en détention, mais une note du procureur de l'Isère datée du 2 février qui lui demande qu'il soit présenté devant le tribunal de Vienne pour une autre affaire. On peut affirmer qu'être père de famille n'était pas un motif suffisant pour ne pas être livré aux Allemands, tandis qu'être l'objet d'une procédure en cours justifiait qu'on maintienne en prison, à l'encontre des exigences de l'occupant. Dans ce cas, la France de Vichy se préoccupe de sa souveraineté et tient pour prioritaire l'exercice de sa justice sur l'exécution des exigences allemandes ce qui ne sera pas le cas d'Henri Adler.
Heinrich Adler
Aussi nommé Henry ou Henri arrive à Lyon le 10 octobre 1938 il est âgé de 19 ans. Né à Kobersdorf dans le Burgenland en Autriche il est détenteur d'un passeport établi en 1934 à Vienne. Il est le fils de Géza et Netti Adler
Avant d'arriver à Lyon il est passé par l'Italie et par Paris.
Sa première adresse à Lyon est l'hôtel d'Anjou. Dans un document daté du 1er avril 1939 l'enquêteur Bain précise l'itinéraire du jeune Henri, entré en France par Forbach fin août 1938 il a séjourné 5 semaines à Paris. A la date de l'enquête il réside au foyer 8, rue de la Solidarité à Bron.
Incorporé à Chambaran, il est prestataire tout d'abord au 143e Régiment puis affecté au Mans, le 13 juillet 1940 après la défaite il est démobilisé à Marseille et revient à Bron. Le 25 septembre il dépose une demande de permis de séjour.
L'enquête précise qu'il est pris en charge par le comité des réfugiés. Il obtient son permis de séjour et une autorisation de travail pour le chantier de St Fons de l'entreprise Pommerol. Ses autorisations sont renouvelées jusqu'en juin 1941 où il est donné ordre aux gendarmes de l'amener au Fort de Chapoly.
Ses permis sont prorogés, il change d'employeur et en mars 1942 habite 134 rue Vendôme à Lyon. L'abbé Glasberg le suit. La mention "israélite" apparait sur les documents de police. Il travaille à Vaulx-en-Velin, craint d'être envoyé en Allemagne et quitte son emploi. Entendu par le SRPJ il déclare ne pas avoir intégré Chapoly.
Écroué le 12 novembre 1942 au petit dépôt par décision administrative il y est toujours le 25 décembre lorsque l'ordre du commissaire central le renvoie à Chapoly où il arrive le 28. L'instruction pour désertion du GTE et non respect des ordonnances faites aux israélites se poursuit et le 2 janvier 1943 il est écroué sur ordre du procureur.
Il ne comparait pas en justice car le 19/2/1943 il a été libéré de la Maison d'Arrêt de Lyon, remis à la Police Judiciaire, transféré au Fort du Paillet pour être envoyé à Gurs. Delà comme les autres hommes raflés il sera transféré à Drancy et déporté par le convoi 50 pour le camp d'extermination de Maidanek où il est assassiné.
Heinrich Adler avait 24 ans.
Au domicile.
On peut faire l'hypothèse que la police continue de s'appuyer sur les registres d'écrou pour continuer les arrestations arbitraires. Leybus Zeligman est écroué le 8 décembre 1942 pour « complicité fabrication de fausses cartes d'identité ». Le 9 janvier 1943, il est remis en liberté. C'est à son domicile que la police française vient l'arrêter. Il est déporté par le convoi n° 50 du 4 mars 1943 sous le nom de Zieligman.
Albert Schweizer est âgé de 58 ans lorsque la police frappe à la porte de son domicile. De nationalité ex-allemande, il vit avec sa femme et son fils. Ce dernier n'est pas arrêté et il adresse une lettre au Préfet de Lyon pour tenter d'obtenir la libération de son père :
Mon père a été arrêté le samedi 20 février 1943, à 1 heure du matin et emmené dans un camp de concentration à Gurs cependant qu'il est parfaitement honnête et en règle. De santé très délicate depuis plusieurs mois, souffrant beaucoup des jambes avec enflures prononcées aux genoux, donc absolument incapable de se rendre utile d'un travail quelconque. Nous vivons tous trois avec ma mère de santé également délicate après tant d'épreuves. Je suis seul à gagner notre vie en qualité de bijoutier et je ne demande ainsi que les miens qu'à vivre en bons citoyens.
La réponse qui est rédigée à son intention est sans appel : il a quitté le camp de Gurs le 27 février à destination de la zone occupée. Il a été déporté par le convoi n° 50 parti le 4 mars 1943 à destination de Maidanek.
« En vertu d'instructions du commandant de section en date du 20 février »et se sont « livrés à des recherches dans [leur] circonscription ». Philippe Kawer est arrêté à Collonges-au-Mont-d'Or où il s'était réfugié en compagnie de sa femme depuis le 21 décembre 1940. Alors qu'il est conduit à la sûreté lyonnaise, 31 rue du Bœuf, les inspecteurs de police déclarent n'avoir reçu aucun ordre en vue de l'interroger, ce qui confirme la thèse de la rafle. En conséquence, il est écroué au petit dépôt, avant d'être transféré à Gurs. Il est déporté à Maidanek par le convoi n°50 du 4 mars 1943 et décède quelques jours après son arrivée.
C'est également à son domicile à Collonges-au-Mont-d'Or que Wladyslaw Kaliszer est arrêté à son domicile. Ingénieur, marié et père de deux enfants, son arrestation est signalée par son employeur. Étrangement, les registres de la prison allemande de Montluc à Lyon ont enregistré l'arrivée de W. Kaliszer le 20 février et son départ de Drancy le 4 mars 1943. Rien ne nous permet aujourd'hui d'expliquer comment Wladyslaw Kaliszer, alors qu'il a été arrêté par la police française, se retrouve incarcéré à la prison allemande de Montluc. Il est déporté par le convoi n° 50.
Mordka Michalowicz travaille pour les établissements Guilhot, une manufacture de fournitures pour parapluie, sise rue tête d'or à Lyon. Le 22 février, son employeur écrit au préfet du Rhône pour lui signaler que dans la nuit du 19 au 20 février, il a été conduit à fin de contrôle d'identité, au fort du Paillet. Cet homme se trouvant dans une situation tout à fait régulière, et sa femme étant enceinte de cinq mois, nous sollicitons de votre bienveillance la libération de celui-ci.
Une autre lettre de son employeur auprès du commandant du camp de Gurs est restée sans écho. Une petite fille est née le 10 août 1943. Mordka était parti depuis le 4 mars par le convoi n°50.
Dans les GTE
Dans l'état actuel des recherches, on ne peut que supposer que le commandant du Groupe de Travailleurs Étrangers (GTE) a listé parmi les "TE", les Juifs étrangers correspondant aux critères de sélection. Ainsi, sur le bordereau des notices individuelles des Juifs étrangers conduits au Fort du Paillet près de Lyon, en vue de leur internement au camp de Gurs¸ Szimon Dzierlatka, Mozick Bulka, Moïse Flachner, Menaché Hayim, Israel Kirzenbaum, Szlama Rumel, sont mentionnés comme provenant du Fort de Chapoly. On ne sait rien de ces hommes, sinon que Szlama Rumel et Szimon Dzierlatka Mozick Bulka sont déportés par le convoi n°50 du 4 mars 1943, Israel Kirzenbaum par le convoi n° 51 du 6 mars 1943. On ne trouve cependant pas trace de la déportation de Moïse Flachner, et Ménaché Hayim.
L'absence de données archivistiques sur le parcours de ces hommes est directement liée au fait que le service des étrangers de la préfecture du Rhône ne semble pas avoir constitué de dossiers à leur nom. On est en droit de se demander s'ils venaient d'arriver au fort de Chapoly, à moins que le volet administratif de la présence des Travailleurs Étrangers dans ce camp disciplinaire réservé aux travailleurs évadés puis repris, n'échappe sinon au contrôle de la préfecture, du moins à sa connaissance.
Marcel Bulka né le, 29 septembre 1930 à Kalicz (Pologne), Albert Bulka né le 28 juin 1939 à Ougrée-Liège (Belgique). Deux des 44 enfants d'Izieu. Les parents ont été internés à Rivesaltes. Quant aux enfants, ils ont pu être sortis du camp et confiés à la maison d'enfant de Palavas-les-Flots. La mère, Roizel à été transférée de Rivesaltes à Drancy et déportée le 11 septembre 1942 par le convoi n°31. Le père Mosiek-Chaïm, transféré de Rivesaltes à Gurs le 26 février 1943 a été transféré à Drancy le 2 mars 1943 et déporté deux jours plus tard par le convoi n°50 vers Maïdanek et Sobbibor. Les deux frères ont été déportés par le convoi n°71 le 13 avril 1944.
Il est à déplorer que les archives départementales du Rhône ne permettent pas de comprendre le mécanisme de ces arrestations. Pas davantage, les travaux universitaires sur les Groupes de Travailleurs Étrangers ne fournissent d'éléments précis sur les collaborations éventuelles entre la préfecture et le commandement de ce GTE. Les recherches à venir apporteront sans doute des données précieuses et permettront de mieux reconstruire les parcours individuels.
LES RAFLES DES JUIFS
Rafle dans les rues de Paris 1942
Les sourires se figèrent quand, le 3 octobre, les opérations de recensement des Juifs s'ouvrirent. Ceux-ci étaient tenus, sous la menace des sanctions les plus sévères, de se faire inscrire au commissariat du quartier de leur domicile : un jour était assigné pour les noms commençant par une lettre déterminée : les A le 3 octobre, le 19 octobre W, X, Y, Z.
Bien que la police française surveillât d'un oeil volontairement distrait ce recensement, la plupart des Israélites de Paris crurent qu'en se soumettant aux ordonnances, ils n'auraient rien qui pût leur être reproché et, docilement, se rendirent aux commissariats.
On affirmait même que le grand philosophe Henri Bergson, bien que très gravement malade, avait quitté son lit et, soutenu par deux amis, s'était présenté en personne devant les autorités de police.
Le recensement des juifs
Le recensement des juifs sous l’occupation Allemande 1941
Les fabricants de petites histoires en lancèrent une, assez amusante : Un paroissien de Notre-Dame-des Champs, fort dévot, s'abîme en prières dans la chapelle de la Vierge. Agenouillé sur un prie-Dieu, en face de l'autel, la tête entre ses mains, il s'enfonce dans sa méditation. A la fin, il relève la tête et, stupéfaction ! S’aperçoit que la place qu’occupaient la Vierge et l'enfant Jésus est vide. Il interroge le sacristain qui, placidement, lui répond : Elle est allée se faire inscrire au commissariat, c'est son tour.
On sentait toutefois que de l'origine aryenne ou non aryenne des personnes leur destin pouvait dépendre. Le Commissariat aux questions juives, rapidement transformé, de gré ou de force, en officine de la Gestapo, avait été installé place des Petits-Pères, à côté de Notre-Dame-des-Victoires. C'est de là que partaient les décisions qui, en plusieurs cas, équivalaient à un arrêt de vie ou de mort. Les morts eux-mêmes n'étaient point à l'abri des vexations ; à la fin de l'automne, le nom de Sarah-Bernhardt disparut du théâtre qui avait été le sien.
Les commerces des juifs
La fermeture des commerces juifs sous l’occupation allemande
Les policiers sont chargés du bon déroulement de l'aryanisation du commerce et doivent vérifier, à cette fin, que les ordres des nazis sont bien respectés. Le 25 octobre 1940, un avis de la préfecture de police prolonge la deuxième ordonnance nazie du 18 octobre 1940. Le préfet de police, Langerons, précise aux chefs d'entreprises juives qu'ils ont l'obligation de rédiger eux-mêmes leur déclaration, sous leur responsabilité, et de la déposer, avant le 31 octobre, au commissariat de leur quartier, ou de leur circonscription, dans les communes du département de la Seine. Par cette note, le préfet de police délègue ses pouvoirs aux commissaires de police des quartiers ou des communes.
Il s'agit également, pour les policiers, de vérifier si les commerces juifs ayant pignon sur rue, ainsi que les étalages des marchands forains, ont bien apposé, en évidence, l'affichette imprimée en noir sur fond jaune, avec l'inscription, en français et en allemand: «Entreprise juive». Les policiers sont très attentifs au respect de cette ordonnance nazie, particulièrement sur les marchés où ils ne cessent de patrouiller, l'oeil suspicieux.
Les juifs doivent rapporter leur poste de radio à la préfecture de police
Au fil des jours et des semaines, la traque se fait plus précise. Lorsque la liberté des personnes n'est pas mise en cause, c'est leur vie quotidienne que l'on s'efforce de pourrir, comme on dit en jargon policier. Le 13 août, une ordonnance nazie porte confiscation des postes de TSF appartenant aux Juifs. Ce sont les autorités allemandes qui promulguent ce nouvel édit mais les policiers français sont chargés de le faire appliquer.
Le texte du chef de l'administration militaire allemande en France stipule en effet: En vertu des pouvoirs qui m'ont été conférés: Il est interdit aux Juifs d'avoir des postes récepteurs de TSF en leur possession; Les Juifs ayant des postes récepteurs de TSF en leur possession devront les remettre, jusqu'au 1" septembre 1941, contre récépissé, au maire de leur domicile ou de leur résidence permanente; dans le département de la Seine, à la préfecture de police ou dans les commissariats d'arrondissement.
A l'échéance de cette décision, Tanguy, devenu directeur de la police judiciaire, relance les commissaires de police de Paris et de la banlieue : Suite à mon télégramme du 30 août écoulé, relatif au dépôt par les Israélites de leur poste de TSF, ce dépôt devra être effectué par eux, entre vos mains, avant demain 2 septembre 19 heures. Notez de fixer à chaque appareil une étiquette descriptive permettant l'identification ultérieure du déposant.
Nouvelle étape d'exclusion le 7 février 1942
L’interdiction est total pour les juifs, dans les parcs, les magasins, les tramways
Humiliation des juifs
Avec le port de l'étoile jaune, imposé à partir du 7 juin 1942, interviendra une forme supplémentaire d'humiliation: l'obligation faite aux Juifs de ne prendre que la dernière voiture dans le métro parisien.
Cette ségrégation particulière faisant l'objet de plusieurs courriers du préfet de la Seine, Charles Magny. Le 10 juin 1942, il informe de cette mesure le secrétariat d'Etat à l'Intérieur du gouvernement de Vichy et le Commissariat général aux questions juives, dans des termes identiques:
Objet: conditions d'admission des Juifs dans le chemin de fer métropolitain. L'autorité allemande a donné des instructions particulières à la Compagnie du métropolitain au sujet du transport des Juifs.
Ces derniers ne peuvent dorénavant voyager, dans le métro parisien, qu'en deuxième classe et dans la dernière voiture des trains. La compagnie a diffusé, en conséquence, dans les gares et les stations, un ordre de service prescrivant aux receveurs de ne pas vendre de billets de 1" classe aux Juifs, aux surveillants du contrôle d'aviser les porteurs de l'insigne qu'ils ne peuvent voyager que dans la dernière voiture en 2'classe, aux gardes ou contrôleurs d'inviter poliment ceux qu'ils trouveraient de gagner la dernière voiture, à la prochaine station.
Aucune affiche n'est apposée, aucun communiqué ne fait au public. Ces mesures ne constituent d'ailleurs que la mise à exécution d'un ordre de l'Autorité allemande, du 8 novembre 1940, concernant les nègres et les Juifs, ordre qui, en ce qui concerne ces derniers, n'avait pu être pratiquement observé faute d'un signe distinctif.»
Carte d’identité pour les juifs
Le 9 juin 1942, dans Le Cri du peuple, organe quotidien du PPF ( Parti populaire français] de Jacques Doriot, le journaliste Roger Nicolas manifeste sa satisfaction pour cette «saine mesure qui réjouira tous les Français qui ont de bonnes raisons de ne pas coudoyer les frères de race de Blum et consorts». Il convient d'ajouter une dernière touche à ce véritable enfermement moral et déjà physique avant que se déchaîne une vague de rafles qui se poursuivront jusqu'à la libération de Paris.
C'est la police qui est également chargée de faire respecter la 9° ordonnance nazie, datée du 8 juillet 1942. Le texte est bref mais sa teneur laisse place à toute interprétation possible. Dans un sens aggravant, bien sûr. Cette fois, les Juifs étant marqués, il s'agit de les exclure totalement de la vie de la cité: «Il peut être interdit aux Juifs de fréquenter certains établissements de spectacle et, en général, des établissements ouverts au public. Les Juifs ne pourront entrer dans les grands magasins, les magasins de détail et artisanaux, ou y faire leurs achats, ou les faire faire par d'autres personnes, que de 15 à 16 heures.
Carte d'identité d'un juif français
Carte d'identité d'un juif français
La formule, «il peut être interdit », prise dans un sens simplement restrictif est interprétée comme: «Il est formellement interdit !», et la police rôde autour des théâtres, des cinémas, des salles de concert où des musées, des bibliothèques, des champs de courses, des stades ou des piscines, etc.
Ces lieux, désormais interdits, voient se multiplier les contrôles d'identité au faciès. Entrer inconsidérément dans un café peut conduire l'imprudent à Drancy.
L'étoile jaune
L’étoile jaune était obligatoire pour tous les juifs d’Europe
Pour masquer les premières défaites militaires, les Allemands veulent créer le choc de la terreur. Hitler et sa bande décident de porter un grand coup contre les Juifs des pays occupés.
Ils trouvent en France des oreilles complaisantes dans l'entourage même du maréchal Pétain, car le clivage s'opère dès le printemps 1942 : les vrais collaborateurs, rangés sous la bannière du journal Je Suis Partout, embouchant la trompette de Céline et de Brasillach, de Darnand, Doriot et Déat, se déclarent prêts à endosser les doctrines nazies et l'uniforme des S.S.
A la fin du mois de mai 1942, les Juifs sont astreints au port de l'étoile jaune. Recensés, on les marque comme du bétail. Voici la définition de la marque: C'est une étoile à six pointes ayant les dimensions de la paume d'une main et des contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte, en caractères noirs, l'inscription Juif. Elle devra être portée (dès l'âge de six ans) bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement. 400 000 étoiles, à raison de 3 par Juif, seront distribuées à Paris.
La presse antisémite
Mort au Juif! Mort à la vilenie, à la duplicité, à la ruse juive! Mort à l'argument juif! Mort à l'usure juive! Mort à la démagogie juive! Mort à tout ce qui est faux, laid, sale, répugnant, négroïde, métissé, juif! C'est le dernier recours des hommes blancs traqués, volés, dépouillés, assassinés par les Sémites, et qui retrouvent la force de se dégager de l'abominable étreinte.
... Mort, Mort au Juif ! Oui. Répétons. Répétons-le! Mort! M.O.R.T. AU JUIF! Là!
Au pilori, 14-3-1941.
L'aryen aime la terre sur laquelle il est né. Le Juif, lui, n'a pas de terre et ne regarde celle sur laquelle il passe que comme une marchandise.
L'aryen, étant patriote, garde jalousement la terre dont il est propriétaire. Le Juif, se considérant comme propriétaire de l'univers entier, ne saurait être patriote et est toujours prêt à troquer la terre sur laquelle il vit.
Les pieds de l'aryen sont enfoncés dans le sol; les pieds du Juif sont partout, et, en définitive, nulle ne part.
Le Matin, 5-1-1943.
Les raisons de Laval
Pierre Laval et les juifs de Paris
Réussir une grande opération policière en zone occupée ne serait-il pas le meilleur moyen d'imposer aux Allemands le respect de la souveraineté française?
Laval, qui a déjà clairement affiché ses bons sentiments envers la collaboration, saisit l'occasion d'offrir les services d'une administration française dont l'efficacité, selon lui, ne manquera pas d'être récompensée par les autorités d’occupation.
Aucune considération humaine ne saurait avoir sa place dans cette froide stratégie de la raison d'Etat. Dans ce régime de dictature, il n'y a pas à se préoccuper d'une opposition.
Capturer les juifs