L'aviation italienne durant la campagne contre la Grèce Octobre 1940 - Avril 1941
Tirana, 21 octobre 1940 : la campagne de Grèce n'a pas encore commencée, mais les terrains albanais connaissent déjà un trafic intense. Sur la photo, on aperçoit un SM79 en train de décoller, un SM82 de la 609a squadriglia trasporti et un Ro 10 d'Ala Littoria.
Les forces en présence
Le 28 Octobre, au moment du déclenchement de l'offensive contre la Grèce, le commandement local de la Regia Aeronautica basé à Tirana pouvait compter sur :
Le 38° Stormo BT (Bombardamento Terrestre, bombardement terrestre), composé des 39° et 40° gruppi, à Valona, sur 24 SM81,
Le 105° gruppo BT à Tirana avec 15 SM79,
Le 160° gruppo CT (Caccia Terrestre, chasse terrestre) avec les 393a (sur 8 Fiat CR32 et 6 Ro 41) et 394a (sur 8 Fiat CR42 et 6 Ro 41) squadriglie à Drenova,
Le 72° gruppo OA (Osservazione Aerea, observation aérienne) sur 27 IMAM Ro37 bis composé des 25a, 42a et 120a squadriglie basées à Coritza, Valona, et Argirocastro,
L 355a squadriglia de chasse sur Fiat G50,
La 611a squadriglia de transport sur 5 Breda 44 à Tirana.
A ces faibles forces vinrent s'ajouter le 104° gruppo BT déployé à Tirana le 4 novembre, sur deux escadrilles de SM79 (252 a et 253a), le 24°gruppo CT avec les 354a et 362a squadriglie sur 24 Fiat G50, arrivé à Tirana fin octobre, le 154° gruppo CT sur deux escadrilles (361a et 395a) de G50 à Berat le 5 novembre, et le 150° gruppo CT avec trois escadrilles (363a, 364a et 365a) sur 36 FIAT CR42 à Tirana, Valona et Argirocastro.
Au total, au 5 novembre 1940, le Comando Aeronautica Albania était doté de 31 SM79, 24 SM81, 47 Fiat G50, 44 Fiat CR42, 8 Fiat CR32 et 27 IMAM Ro37 (tous basés en Albanie) afin d’appuyer les mouvements de l’armée.
On doit y ajouter les appareils en dotation à la 4 a ZAT (Zona Aerea Territoriale, ou zone aérienne territoriale) basée dans les Pouilles, qui, plus tard, deviendra la 4a Squadra Aerea en décembre 1940. Pour l'invasion de la Grèce, la 4a ZAT disposait des :
35° Stormo BM (86° et 95° gruppi) sur 23 Cant Z506 à Brindisi,
37° Stormo BT sur 18 SM81 (55° gruppo) et 18 Fiat BR20 (116° gruppo) à Lecce,
47° Stormo BT (106° et 107° gruppi) de Grottaglie sur 24 Cant Z1007 bis,
96° gruppo BaT (Bombardamento a tuffo, bombardement en piqué) à Lecce sur 20 Junkers Ju87 B2/R2 "Picchiatelli" et un SM86 W,
2° gruppo CT sur Fiat G50 et Fiat CR32 sur deux escadrilles, la 150a et la 152a à Grottaglie et Bari,
50° gruppo BT sur 20 Cant Z1007 bis à Brindisi,
372a squadriglia de chasse sur Macchi C200 à Brindisi,
147° Gruppo T (Trasporto, transport) sur 10 SM75 à brindisi,
149° Gruppo T sur 11 SM82, 3 SM75 et un SM83 à Urbe et Brindisi,
5° gruppo OA, avec ses 31a et 39a squadriglie, sur 18 Ro37, basé à Bari.
Ainsi, 44 Cant Z1007bis, 23 Cant Z506, 18 Fiat BR20, 18 SM81, 20 JU87B2/R2, un SM86 W, 12 Macchi MC200, 33 Fiat G50, 9 Fiat CR32, 18 Ro37, 11 SM82, 13 SM75 et un SM83 étaient disponibles dans les Pouilles pour les opérations sur le territoire grec, soit au total : 101 bombardiers, 54 chasseurs, 41 avions de reconnaissance et 25 de transport.
Tirana, 1er novembre 1940 : un Savoia S.79 du 105° gruppo BT s'apprête à décoller.
L'aviation grecque, l'Elliniki Vassiliki Aeroporia, ne pouvait opposer un si grand nombre d'appareils. La chasse disposait de 36 PZL P24F/G fabriqués à Polacca, répartis entre les mire (escadrilles) 21, 22 et 23, avec une dizaine d’appareils opérationnels chacune, auxquels était confiée la défense de Salonique, Kastoria, Kozane et Larisa, de 9 Bloch MB151 C1 de fabrication française, affectés à la mira 24, basée à Eleusina et assurant la protection d'Athènes, de 6 Avia B.534 et de 2 Gloster Gladiator I. L'aviation de bombardement pouvait compter sur 9 modernes Potez 633 français de la mira 31, 12 Bristol Blenheim Mk IV de la mira 32, et 10 Fairey Battle Mk I de la mira 33. L'aviation de reconnaissance était quant à elle dotée de 16 Henschel Hs126a allemands de la mira 3, de 32 Breguet 19 des mire 1 et 2 ainsi que de 18 Potez 25TOE de la mira 4.. La marine disposait de 10 Avro Ansons I de la mira 13, de Dornier Do.22 de la mira 12 et de 9 biplans de chasse Fairey IIIF de la mira 11, complètement obsolètes. A ces maigres forces s'ajoutaient 6 Hawker Horsley II de la marine à Tatoi, 20 Avro 621 Tutor et 22 Avro 626 Prefect pour l'écolage.
Sur le papier, la disparité était considérable, tant au niveau numérique que technologique. Il faut ajouter aussi que si les Potez et les Bloch étaient bien présents sur le sol grec, ils étaient cloués à terre car les pilotes n'avaient pas terminé leur formation sur ces nouveaux appareils. La Regia Aeronautica aurait donc dû balayer l’aviation grecque en moins de cinq jours et soutenir les troupes au sol sans être dérangée, mais ce n’est pas ce qui se produisit. Jusqu’à l’arrivée des Allemands, les Grecs et les Anglais donnèrent du fil à retordre à l’aviation italienne.
IMAM Ro37 de la 25a squadriglia, 72° gruppo OA, sur le terrain de Coritza.
6 septembre 1940 - n. 195520/2784 –
Cher Pricolo,
Dans le programme que nous allons préparer pour parer à toute éventualité, dans le but d'effectuer l’action prévue contre les régions albanaises sous domination grecque, (je souligne "action prévue" n.d.l.r.) nous avons retenu nécessaire de :
a) mettre à disposition des parachutes pour larguer armes et munitions en Ciamuria, sur les localités convenues.
b) demander au Ministère de l'Aeronautica tenir prête une unité de parachutistes destinée éventuellement à opérer en Ciamuria. Dans cette optique, il serait opportun de proposer un cours de formation pour les Albanais qui souhaiteraient participer à cette action.
Son excellence le compte Ciano a approuvé ces propositions dans les grandes lignes, pour peu qu'elles soient considérées comme réalisables par le Ministère de l'Aéronautique. J’ai eu hâte de t’en informer et je te serais reconnaissant si tu pouvais me faire partager tes pensées. Benini
Pricolo répondit qu’il n’était informé que par voie indirecte de l'action prévue contre la Grèce, et quoiqu’il pensât que le largage de munitions et d’armes fût réalisable, l’action des parachutistes le laissa pour le moins sceptique. Ce projet fut heureusement annulé, ce qui permit d'épargner du temps et de l'argent. Ce n'est que le 9 septembre que Superesercito prit officiellement contacts avec Supermarina et Superaereo afin de fixer les modalités de l'action contre l'Epire et les îles Ioniennes. Le document suivant fut transmis aux deux états major le 12 septembre :
1 - OPÉRATIONS CONTRE LA YOUGOSLAVIE, (Plan E)
L'état-major général demande que le déploiement des troupes italiennes soit terminé avant la fin du mois d'octobre 1940 en prévision d'une éventuelle révolution en Yougoslavie.
2 - OPÉRATIONS CONTRE LA GRÈCE, (Plan G)
Une intervention de notre armée pour occuper la Ciammuria, l'Epire et les îles Ioniennes est probable. Les lignes générales de l'opération sont celles prévues pour les opérations en Albanie, diffusées par la directive n°2100 de l'Esercito. Le transport par bateau des troupes nécessaires doit être achevé pour fin septembre.
Macchi C200 série I de la 372a squadriglia, opérant depuis Brindisi.
La rivalité entre les trois armes a joué un rôle capital dans la mauvaise préparation de la campagne : l’Esercito voulait faire figure de grand vainqueur dans une guerre qui s'annonçait facile, laissant à l’Aeronautica et à la Marina une part marginale. C'est pourquoi l’armée de terre avait informé les deux État Majors seulement au tout dernier moment. Même lors de la réunion tenue le 15 octobre au matin à Palazzo Venezia, qui décida de la déclaration de guerre contre la Grèce, tout d'abord fixée au 26 octobre, les chefs d'état-major de la Marine et de l'Aviation ne furent pas convoqués. Ils ne reçurent le compte-rendu de la réunion que le soir.
À la mi-octobre 1940, à l'exception du terrain de Tirana, les bases aériennes italiennes sur le territoire albanais étaient loin d'être prête pour soutenir l'invasion. A Valona, Durazzo et Argirocastro (Gyrokastër sur la carte), par exemple, le personnel n’avait ni logement ni refuge, mais seulement, dans la majeure partie des cas, quelques baraques pompeusement nommées "aerostazione". Les réserves de carburant s'élevaient à 1500 fûts à Tirana, les pièces de rechange étaient insuffisantes et les munitions atteignaient seulement les 2500 tonnes. Il n'y avait pas de réserve de vêtements, peu de véhicules, et une seule équipe de mécaniciens à Tirana. Entre les différents terrains, il n'existait aucune communication télégraphique ou téléphonique. Les ordres devaient donc être passés par messages radio codés ou courrier aérien. Les assistantes radiométriques s'appuyaient sur les stations de Brindisi, en Italie. Tous les efforts réalisés pour l'envoi de matériels depuis l'Italie échouèrent à cause de l'action des sous-marins anglais, qui coulèrent les paquebots Chisone, Hermada et Olympia, chargés de stations radio, de carburant et de pièces rechange.
Début des opérations et arrivée de la RAF
Le choix de la date du début des opérations, au début de l'hiver, fut malheureux, car il avantageait les défenseurs. Le jour de l'attaque fut reporté au 28 octobre à cause des conditions météorologiques. Dès le premier jour de la campagne, les BR20 du 116° Gruppo attaquèrent les ports de Patras et de Lépante (Naypaktos). Jusqu'au 1er novembre, le temps fut tellement mauvais qu’il rendit quasiment impossible toute activité de vol. Le 2 novembre, alors que la pluie avait transformée les terrains albanais en marécages, bombardiers et Picchiatelli se succédèrent depuis leurs bases des Pouilles sur des objectifs importants : le canal de Corinthe, le nœud ferroviaire de Salonique et les ports de Corfou Kastoria et Gianina. Du 4 au 7 novembre, les bombardements stratégiques se poursuivirent sur les ports du Pirée, de Volos, de Pathrasse et sur l'aérodrome de Larissa. Ces actions provoquèrent surtout un nombre important de victimes civiles, mais peu de résultats sur les objectifs visés.
A partir du 7 novembre, la 4a ZAT abandonna les objectifs stratégiques pour se concentrer sur l'appui aux troupes terrestres dans le but d'endiguer la contre-offensive grecque. L'engagement des pilotes fut considérable : de 200 à 400 sorties (selon les sources) furent effectuées dans la journée du 3 novembre mais les résultats furent insuffisants. Il ne faut pas oublier que centrer un mortier dissimulé dans le creux d’un relief avec quelques bombardiers de haute altitude n'était pas chose simple. Aujourd’hui encore, ceci n’est pas facile, alors avec les systèmes de pointage optique de 1940 c’était quasiment impossible ! Étant donné le manque d'avions d'assaut et d’appui tactique, tous les Ju 87 disponibles furent envoyés sur le front grec, détournés ainsi de leur action anti-navires et d'escortes des convois vers la Libye. N'ayant pas de cibles appropriées, les SM79 et les Cant Z1007 ne pouvaient pas faire grand-chose.
Un Savoia S.81 doté de moteurs Alfa Romeo 125 RC35 en vol au-dessus de l'Albanie.
Le 2 novembre, un SM81 fut abattu par un P24F au nord de Giannina. Dans les jours qui suivirent, les bombardiers italiens, qu'ils soient escortés par des chasseurs ou non, furent souvent la cible de la chasse grecque. Les pertes s'élevèrent à 2 Cant Z1007bis, un SM79 et un CR42, contre un P24F abattu. Le 15 novembre, toutes les missions furent concentrées dans le secteur de Corciano où les choses tournaient mal. Les rares bombardiers grecs ne se montrèrent pas beaucoup, mis à part une attaque contre Bari, lors de laquelle ils subirent des pertes. Le 7 novembre, le terrain de Valona fut attaqué à l'improviste par 6 Vickers Wellington du 70th Squadron de la RAF, de jour, sans escorte. Ils furent interceptés par les G50 : quatre avions furent perdus, deux abattus et deux contraints à l'atterrissage. Au grand désespoir de Wavell, alors engagé en Libye contre Graziani, la RAF décida d'envoyer des unités sur le front grec : le 1er novembre, le 30th Bomber Squadron sur Bristol Blenheim Mk I fut la première unité anglaise à gagner la Grèce. Le 70th Squadron arriva le 7 novembre, suivi, à la fin du mois de novembre, par les Blenheim du 211th Squadron et les Gladiator Mk II des 80th Squadron. Début décembre, la présence de la RAF en Grèce fut accrue par l'arrivée du 113th Squadron sur Blenheim Mk IV et d'une partie des Gladiator du 112th, qui recevra la totalité de ses appareils le 18 janvier 1941. Toujours en janvier 1941, ce fut au tour du 11th Squadron de gagner la Grèce avec ses Blenheim.
Un Fiat G50 de la 355a squadriglia, 24° gruppo CT, escortant un S.81
Le premier affrontement entre chasseurs de la Regia Aeronautica et de la RAF eut lieu le 19 novembre, quand 20 Gladiator du 80th Sqd. attaquèrent 5 Fiat CR42 et en abattirent 4. Le 27 novembre, un autre CR42 d’une patrouille de trois appareils tomba sous les coups de 7 Gladiator. Le jour suivant, un autre duel aboutit à la perte de quatre Gladiator et de 3 CR42. Les combats qui eurent lieu à la fin du mois étaient plutôt violents, engageant 20 ou 30 avions de part et d’autres, juste avant la pause forcée de décembre.
Les conditions météo allaient en empirant. Au début de décembre, les rares SM81 encore en service furent transférés à Lecce et utilisés comme appareils de transport pour tenter d’améliorer la situation du ravitaillement qui devenait dramatique. Les autres avions furent alors transférés sur les aéroports des Pouilles ou concentrés sur les terrains albanais de Berat, Devoli, Argirocastro (Gyrokastër) et Tirana. C'est à ce moment là que le 55° gruppo du 37° Stormo BT commença à remplacer ses vieux trimoteurs SM81 par des Fiat BR20. Dans les Pouilles, 23 Macchi MC200 des 373a et 374a squadriglie provenant de Vénétie furent transférés à Bari, 27 SM 79 du 42° Stormo furent redéployés à Grottaglie, 18 Ju 87 B2/R2 du 97° Gruppo Tuffatori (238a et 239a squadriglie) à Lecce et 8 MC 200 de la 370a squadriglia à Foggia. Le 95° Stormo fut transformé en unité basée à terre, abandonnant ainsi ses hydravions Cant Z506 pour les bombardiers Cant Z1007bis. Le 6 décembre, le 37° Gruppo BT, avec 16 BR20, fut transféré à Grottaglie et commence ses missions contre la Grèce.
Il faut souligner l'abnégation et le sacrifice des pilotes et des équipages des Picchiatelli, qui étaient les seuls appareils d'appui tactique dont disposait la Regia. Dans les rares journées de décembre où ils purent prendre l’air, les Ju 87 fournirent un précieux appui aux troupes terrestres. Les avions et les pilotes du 97° Gruppo effectuèrent 23 missions par équipage pour le seul jour du 20 décembre sans subir de pertes, portant un coup d’arrêt à l’offensive Grecque. Le front se trouvait alors à moins de vingt minutes de vol du terrain.
Un BR20 M de la 276a squadriglia, 116° Gruppo, en mission sur le front grec, début 1941.
Début janvier, malgré les mauvaises conditions météorologiques, l'aviation de bombardement italienne repris ses attaques contre les objectifs stratégiques de Salonique, Volos, du Pirée et du canal de Corynthe, en plus de ses missions d'appui tactique. Le 16 janvier 1941, le 95° gruppo BM débuta son passage en unité terrestre sur 15 Cant Z1007bis.
Le 15 février, les Ro37 des 31a et 39a squadriglie du 5° gruppo OA furent transférés de Bari à Devoli, en Albanie. Ils commencèrent leur cycle d'opérations le 20 janvier, souvent escortés par les G50 du 154° gruppo CT, lui aussi transféré à Devoli. Les missions des Ro37 étaient d'ailleurs plus des missions d'appui au sol que de reconaissance. En février 1941, une amélioration des conditions météorologiques permit la reprise des duels entre la RA et la RAF. Le 9 février, 24 CR42 escortant des BR20 rencontrèrent une formation mixte de Gladiator et de PZL, et chaque camp perdit deux chasseurs. Le 13 février, 12 Blenheim en mission à Tepeleni furent attaqués par 12 G50 et subirent la perte de 5 d'entre eux. Les six premiers Hurricane arrivèrent le 17 février, et furent affectés au 80th Squadron pour remplacer les Gladiator perdus. Le 27, la chasse italienne ne put empêcher le bombardement du port de Valona (Vlöre).
Au début du mois de mars 1941, pour soutenir l'offensive italienne imminente, l'état major de la RA jugea nécessaire de renforcer les unités déployées contre la Grèce. En Albanie, les SM81 du 38° Stormo laissèrent leur poste aux BR20, et les CR42 du 150° Gruppo aux MC200. De nouvelles unités furent également transférées en Albanie entre le 3 et le 7 mars : la 371a squadriglia sur 10 MC200 à Valona, le 22° Gruppo CT sur 36 MC200 à Tirana, la 238a squadriglia BaT sur 17 Ju87B à Tirana et la 114a squadriglia OA sur 8 Ro37 à Tirana également. Le 9 mars, la 208a squadriglia sur Ju 87 commença ses opérations au-dessus de l'Albanie, depuis sa base de Lecce. La 209a squadriglia la rejoignit le 18 mars.
Le 4 mars, 11 CR42 attaquèrent une formation de Blenheim escortée par les Hurricane. Deux chasseurs italiens et un anglais furent perdus. Entre le 9 et 14 mars, les pertes s'élevèrent à deux MC200, un Gladiator et un Hurricane. Le 16 les Anglais perdirent 2 Wellington à Tirana alors que la chasse italienne effectuait toujours plus de missions à basse altitude. Le 22 mars l’aéroport grec de Paramythia fut attaqué; il en résulta la perte de deux Blenheim et d’un Wellington au sol. Le même jour, six Picchiatelli de la 239a squadriglia effectuèrent leur première mission anti-navires, depuis leur base de Galatina. Un navire marchand fut coulé ce jour là, et un autre incendié.
En vue de l’intervention en Yougoslavie, 9 Ju87B de la 208a squadriglia arrivèrent à Tirana le 2 avril pour former le 101° gruppo BaT avec la 238a squadriglia, ainsi que 7 Ca 311 de la 87a Squadriglia OA et 8 Ro37 de la 35a Squadriglia à Peqini. Le 97° gruppo BaT reçu quant à lui le renfort de la 209 a squadriglia, commandée par le capitaine Romanese, avec ses 8 Ju 87.
Un Cant Z1007 bis de la 231a squadriglia, 95° gruppo BT, au départ d'un terrain des Pouilles pour une opération sur le front grec.
Un Junkers Ju87 de la 238a squadriglia, transférée le 6 mars à Tirana.
La campagne en chiffres
Sur 176 jours d'opérations contre la Grèce, 82 furent inexploitables pour toute opération aérienne, et 30 n'autorisèrent une activité de vol que durant 1/3 de la journée. Par ailleurs, quand il ne pleuvait pas, le plafond nuageux restait très bas, ce qui rendait impossible aux bombardiers de centrer les objectifs en altitude, et par conséquent d’agir dans de bonnes conditions. Les unités de chasse et celles d’assaut étaient moins moins gênés par cette couverture nuageuse et finirent par se charger du plus grand nombres de missions. Ceci réduisait de plus de la moitié le nombre d’avions opérationnels.
Un rapport du 28 octobre 1940 sur les conditions des aérodromes albanais terrain indique qu'un terrain sur 7 était disponible pour le jour de l’attaque. Ceci n'empêche pas le général Papagos, chef d'état-major de l'armée grecque, de parler dans son livre La Grèce en Guerre d’une centaine d’avions italiens pour appuyer les fantassins le 28 octobre 1940.
Au total, les bombardiers italiens effectuèrent 7777 missions, dont au moins 5560 d’appui tactique, durant lesquelles ils larguèrent 4546 tonnes de bombes. La chasse effectua quant à elle 12000 missions, et la reconnaissance 1400, avec 99 tonnes de bombes lancées.
En 176 jours de campagne contre la Grèce, la Regia Aeronautica perdit 32 bombardiers, 29 chasseurs et 4 autres appareils en combat aérien, plus 14 machines détruites au sol. Les pertes infligées aux aviations grecques et anglaises s'élevèrent à 162 chasseurs et 56 bombardiers abattus, plus 36 chasseurs et 19 bombardiers considérés comme probablement abattus. La Regia coula également 8 navires aux Alliés.
Les activités de transport et de ravitaillement jouèrent un rôle extrêmement important, surtout celles de parachutage, qui était parfois le seul moyen pour ravitailler les troupes. Plus de 200 tonnes de matériels différents furent lancées, la plupart du temps grâce à des avions obsolètes. Les pilotes, sans escorte, n'hésitaient pas à accomplir ces missions malgré les mauvaises conditions météorologiques. Les troupes italiennes auraient-elles pu se retirer sans transformer leur retraite en déroute sans ces largages de munitions et de vivres ?
Des IMAM Ro37 du 5° gruppo OA en vol au-dessus du massif de Tomori, en avril 1941.
Pour se convaincre du manque de coopération qu'il y avait entre l’Esercito et l’Aeronautica, il suffit de lire lettre du 15 janvier 1941, adressée à Rome :
Lettre 021202 du Comando Superiore FF.AA. Albania et p.c. au Comando Aeronautica Albania :
Étant donnée la situation de nos troupes et de celles de l'ennemi, je crois opportun de rappeler votre attention sur les facteurs négatifs suivants:
1) impossibilité de s’opposer aux efforts considérables et tenaces des troupes fraîches de l’ennemi à cause du manque de réserves dans les bases des unités de première ligne;
2) manque de pièces d'artillerie de campagne et absence presque totale d’artilleries à longue portée;
3) insuffisance grave des véhicules de transport qui a longtemps rendu problématique, voire impossible, le ravitaillement des troupes déployées en montagne, loin des routes;
4) conditions matérielles des unités combattantes depuis plusieurs mois : inutile de le rappeler tant les répercussions furent sérieuses sur le moral
Tout ceci m'a conduit à demander à la RA tout le concours possible. Sa participation a été importante, et ses actions ont été menées avec un grand esprit de sacrifice et de dévouement; mais les résultats obtenus ont rarement été ceux que l’on désirait.
Ceci est dû:
a. au manque de rapidité de l'intervention.
b. au manque de communication pour mener à bien l’opération.
La première cause s'explique facilement lorsque l’on connaît la longue procédure pour la demande d'intervention. La deuxième cause, en revanche, est plus délicate et nécessite une étude approfondie de nos troupes et de celles de l’ennemi. Afin de mener à bien cette étude, il est nécessaire de connaître parfaitement l'environnement du champ de bataille et le matériel en dotation.
Je crois maintenant que l'intervention de l'aviation en stricte coopération avec les forces terrestres ne peut pas mener aux résultats voulus, malgré les sacrifices de nos camarades de l'air, s’il manque de telles conditions.
A mon avis, pour obtenir de meilleurs résultats, il est indispensable que le Commandement des Forces Aériennes destinées à concourir dans le domaine tactique soit soumis aux ordres de celui qui mène l'action.
Il est évident que dans un tel cas, le commandement des forces aériennes destinées à l’appui tactique doit avoir un parfait esprit de compréhension, ne serait-ce qu’en constatant personnellement les différentes nécessités des troupes terrestres et en faisant en sorte que l'intervention de l'aviation soit considérablement améliorée tant du point de vue des délais que des résultats. De cette façon, il serait possible d’attaquer l’ennemi au bon moment et au bon endroit, en économisant les vies humaines et le matériel.
Afin de permettre cette coopération plus étroite, je propose :
a. Qu’il soit mis à disposition directe de l’armée sur les bases proches du QG d’Armée une escadrille de Junkers et un groupe de G50.
b. Que le commandant de cette unité soit logé au QG du Comando d'Armata, à ma propre disposition.
Il fallait donc que le Commandement de l’Aviation et non celui des forces terrestre maîtrisât parfaitement le terrain. Le Comando Aereo devait être toujours présent. En effet, que se serait-il passé si l'action s'était développée dans deux lieux différents ? Le devoir d’attaquer et de détruire l’ennemi était uniquement réservé à l'aviation, l'armée devant établir le lieu d’attaque. De cette manière, l'aviation aurait pallié au manque de nouvelles recrues, de ravitaillements, de canons de calibre légers et moyens, et relevé le moral des troupes. Les commandants de l'armée de terre considéraient l'aviation comme une force dépendant de l'Esercito, dont la seule mission était de soutenir ce dernier, en oubliant les autres rôles essentiels qu'aurait du jouer la RA.
Mais les torts ne sont pas dus uniquement à une composante de l'armée. Le commandement de l'aviation, par exemple, ne fit jamais rien pour assurer un réseau de communication fiable avec les autres forces militaires. Les bombardements tactiques, qui se révélèrent somme toutes efficaces, furent largement privilégiés. En revanche, les quelques actions stratégiques ne réussirent ni à anéantir le potentiel militaire grec ni à faire plié la volonté de combattre des Grecs.