L'Aviation Italienne en AOI, 1940-41
Entre 1935 et 1945, l’Italie connu de grands bouleversements, passant d’une dictature à une république, d’un empire colonial à un état européen, d’une guerre mondiale à une guerre civile, d’une puissance de l’Axe à un ennemi de l’Allemagne. Ces changements trouvent leurs origines en Italie et ailleurs, mais il est indéniable que les forces armées italiennes y aient joué un grand rôle, parfois malgré elles. Les victoires obtenues en Ethiopie et en Espagne ont été montées en épingle par le régime, qui, dans le même temps, minimisait les déboires. C’est ainsi que, trompé par sa propre propagande et sûr d’une victoire rapide de l’Allemagne, Mussolini a lancé son pays dans une guerre qui allait le porter à sa perte. L’Italie est donc rentrée dans le second conflit mondial en pensant abordé une guerre de quelques mois tout au plus, et s’est au départ cantonnée à des actions défensives, sans profiter de sa relative supériorité initiale. Car le temps allait jouer en faveur des Alliés, l’industrie italienne n’ayant pas la capacité ni les moyens de fournir suffisamment d’armes. Mussolini est destitué de ses fonctions en juillet 1943, mais il est alors trop tard pour redresser la situation, et l’armistice est donc signé le 8 septembre 1943. C’est le début d’une guerre civile entre l’Italie du Nord et du Sud, qui ne s’achèvera qu’avec la fin du conflit en Europe.
L'aviation italienne Juin 1940 - Novembre 41
Les forces en présence
Au début de la deuxième guerre mondiale, les unités de la Regia Aeronautica en AOI (Afrique Orientale Italienne) étaient bien au-dessous des exigences que réclamait la guerre sur ce front. Le peu d'avions qui composaient les escadrilles de l'Aeronautica Impero dataient pour la plupart de la première moitié des années 1930.
En 1939, le programme suivant fut proposé pour renforcer l’Aeronautica de ll’AOI :
1) le 41° Stormo avec ses 36 avions SM.79 devait gagner l'AOI en survolant l'Égypte;
2) afin de remplacer un Stormo de CA 133, 36 autres SM.79 devait gagner la colonie par voir maritime;
3) et un envoi par mer de matériels, carburant et munitions devait garantir l’autosuffisance de la colonie.
La tournure prise par les événements ne permit la réalisation que d’une petite partie de ce programme. Seuls 18 SM.79 purent être transférés par voie aérienne à cause de l’interdiction du survol de l’Égypte prise par les anglais en janvier 1940. De Naples, il fut possible d’envoyer 36 avions de chasse Fiat CR 42 des 412a et 413a squadriglie à la place des 36 SM.79 prévus à cause de la fermeture au commerce du canal de Suez. Les ravitaillements de carburant et de munitions n’arrivèrent pas à destination.
Le commando Aeronautica Impero (avec à sa tête le général Pietro Pinna) basé à Addis Abeba était articulé sur trois secteurs : Le Nord (Asmara), Le Centre (Addis Abeba) et le Sud (Mogadiscio).
Les appareils opérationnels au 10 juin 1940 étaient répartis entre :
Les 25° bis (12 avions), 26° bis (6 avions), 27° bis (18 avions), 31° bis (12 avions), 49° bis (12 avions) Gruppi, le Gruppo Gasbarrini (12 avions), les 65a (6 avions) et 66a (3 avions) squadriglie et enfin les escadrilles rattachés aux états majors des secteurs central (6 avions), ouest (9 avions) et sud (7 avions) sur Ca.133;
Les 4° bis, 28° bis, 29° bis Gruppi BT sur SM.81 avec 12 avions chacun;
Le 44° bis Gruppo BT (6a et 7a squadriglie) sur SM.79 avec 12 avions;
Les 410a et 411a squadriglie de chasse sur Fiat CR32 avec 9 avions chacune;
Les 412a, 413a et 414a squadriglie CT sur Fiat CR42 avec 9 avions chacune (6 pour la 414a);
La 110a squadriglia RT sur IMAM Ro 37 bis avec 9 avions.
Au total, 138 bombardiers, 36 avions de chasse et 9 avions de reconnaissance étaient donc opérationnels.
Par ailleurs, il existait une réserve de 140 avions en magasin dont seulement 59 étaient utilisables (35 Ca133, 1 SM81, 1 SM79, 5 CR32, 2 Ro 37). Tous les autres étaient en réparation : il s’agissait de 48 Ca133, 16 SM81, 2 SM79, 11 CR32, 2 CR42 et 2 Ro37 utilisés comme sources de pièces de rechange.
Un groupe de transport aérien composé de 9 SM73, 9 Ca133, 6 Ca185 et 1 Fokker FVII, utilisé pour le transport d’hommes et de matériel seulement et non en première ligne, était aussi disponible.
Le 10 juin 1940 étaient inventoriés :
107.000 tonnes de carburants AVIO
5.300 tonnes de bombes
8.620.000 cartouches pour mitrailleuses
500 moteurs AVIO de type différent de réserve.
Le service de réparation des avions était garanti par les ateliers locaux de Piaggio et Caproni ainsi que les SRAM. Ces derniers garantissaient en moyenne 15 révisions complètes par mois, en plus des petites réparations de routine et de la récupération de divers matériels.
SuperAereo supposait à juste titre que les Anglais disposaient du matériel suivant :
8° Sqd de chasse, avec 71 Blenheim RAF;
94° Sqd de chasse, avec 34 Hurricane RAF;
11 chasseur-bombardiers Blenheim RAF;
15 bombardiers Wellesley RAF;
53 bombardiers répartis entre Hart, Audax et Blenheim RSAF à Nairobi;
15 bombardiers Potez 63, 15 avions de reconnaissance Potez 25, 11 avions de chasse Morane Ms 406 (Armée de l’Air Française) à Djibouti.
La RAF disposait avec ses Blenheim et ses Hurricane d’une nette supériorité qualitative. De plus, elle avait l’avantage d’obtenir avec une relative facilité des ravitaillements de la métropole, chose qui était difficile pour les Italiens. A son désavantage, ses bases étaient relativement dispersées, ce qui rendait leur couverture par la chasse difficile. Les vieux Hart et Audax n’avaient aucune efficacité en combat, mais ils furent utilisés utilement en tant que leurres à terre.
La RA prend l’initiative
Dès le 12 juin, l’aviation italienne passa à l’offensive en attaquant entre autres Aden, Kassala, Moyale et Dibbandibba avec 22 Ca.133. Les Anglais envoyèrent à leur tour des Wellesley sur Asmara. A l’aube du 13 juin, 3 Ca.133 de la 9a Squadriglia détruisirent deux Audax sur la base de Wajir. Le 16 juin, deux Junkers Ju.86 sud-africains mirent hors d’état de nuire un Ca.133 stationné à Neghelli. Le 19 juin, trois CR32 de la 411a squadriglia engagèrent le combat contre trois Ju.86 et deux Hurricane de la SAAF, revendiquant un chasseur abattu pour la perte d’un Fiat. Le 21 juin, 11 Ca.133 du 27° Gruppo attaquèrent Djibouti, perdant 2 appareils à cause de la réaction de l’artillerie anti-aérienne.
Le commandement suprême des FF.AA en AOI, qui comptait beaucoup sur l'aviation, avait minutieusement préparé un plan pour la conquête de la Somalie britannique, qui devait être déclenché le 3 Août 1940. La RA devait principalement neutraliser l’aviation ennemie qui représentait la seule inconnue de l’opération, les forces terrestres ennemies n’étant pas considérées comme une menace. De nombreuses reconnaissances aériennes, commencées dès le début des opérations, avaient révélé que les forces aériennes anglaises étaient concentrées dans le secteur d’Aden et qu’elles ne disposaient pas de suffisamment de bases avancées pour perturber efficacement les phases initiales de l'avance des unités terrestres italiennes, à part quelques petits terrains. Aussi, la RA aurait-elle eu des difficultés pour les mêmes raisons au fur et à mesure que les opérations terrestres se développeraient. Le plan opérationnel de la Regia Aeronautica, approuvé par SAR, le vice-roi Amedeo di Savoia Duca D’Aosta, prévoyait :
1) d’engager l’ennemi sur différents fronts pour l’empêcher d’amener des renforts du Soudan ;
2) d’interdire toute activité sur les camps de soutiens et sur la base aérienne d’Aden de façon à contraindre l’ennemi à agir depuis des bases plus lointaines en vue de perturber l’appui aérien aux troupes anglaises ;
3) d’empêcher l’éventuelle arrivée de renforts par mer en bombardant les ports d’appui ;
4) de faciliter le soutien aérien aux troupes en occupant les terrains adverses au fur et à mesure de leur progression.
Le plan semblait parfaitement adapté à la situation, mais il ne tenait pas compte des capacités de guerre réelles l’aviation italienne. Heureusement, la Somalie intéressait peu les Anglais qui se préoccupaient davantage du Soudan. On ne peut certainement pas, par contre, remettre en question l’adresse, la ténacité, le courage et le dévouement au devoir des pilotes et spécialistes italiens.
Initialement, 85 avions furent déployés pour l'attaque (19 SM81 des 4° et 29° Gruppi, 11 SM79 du 44° Gruppo, 21 Ca 133 du 27° Gruppo et de la Squadriglia SM du secteur Ouest, 9 Ro37 de la 110a squadriglia, 9 CR32 et 16 CR42 des 410a, 411a et 413a squadriglie). Trois parcs automobiles avec 155 véhicules au total, acheminés par chemins de fer au rythme de 3 wagons par jour, furent mis à disposition de la RA. Dès le 20 juillet débuta une intense activité de reconnaissance pour avoir une idée des obstacles pouvant gêner l'avance des troupes italiennes, mais surtout pour vérifier l’exactitude des cartes de la région, au nombre de 500.000. Mais de grossières erreurs de relevé furent commises en raison d’une mauvaise qualité photographique à cause du relief si bien que le commandement des troupes ne sut interpréter les clichés.
En face, les mouvements de l’aviation italienne n’avaient pas échappé à la reconnaissance anglaise. La RAF s’occupa avant tout de perturber l’activité aérienne italienne en menant des attaques contre les terrains d’aviation et les troupes sans pour autant causer de dommages. Ces raids furent toujours contrés par la chasse italienne qui réussit à abattre deux avions ennemis. Le soir du 3 août, les troupes transalpines passèrent la frontière et avancèrent jusqu’au 7 août sans trouver de réelle résistance bien qu’elles eussent mené quelques combats aux alentours du pas de Karrin. Cet obstacle, franchi le 19, les troupes gagnèrent Berbera. La Regia Aeronautica effectua principalement des missions de protection sans rencontrer une forte résistance. Les bombardiers attaquèrent les ports d’Aden et Berbera ainsi que les terrains d’aviation d’Hargheisa, Burao et La Feruk. Quelques attaques à très basse altitude furent dispersées par la réaction de la chasse qui abattit deux appareils anglais sans subir de perte.
Revenons plus en détail sur l'action de l'aviation italienne durant cette brève campagne. A partir du 7 août, l’activité aérienne augmenta et les bombardiers italiens rencontrèrent pour la première fois la réaction de la chasse ennemie à Aden. La reconnaissance signala la présence d’appareils ennemis sur le terrain d’Aden qui furent immédiatement attaqués et bombardés, tout comme ceux du terrain de La Feruk. Suite à ces actions, le commandement italien pensa avoir éliminé le plus gros de la menace aérienne. En vérité, les avions que les Italiens avaient détruits au sol étaient de vieux biplans des années 1930 pour la plupart et quelques matériels datant de la Grande Guerre. Les Hurricane et les Blenheim avaient été emmenés en Égypte. Ces derniers allaient bientôt revenir dans le ciel somalien. Pour la suite de la campagne, la RA se concentra sur l’appui aux troupes terrestres jusqu’à l’occupation complète de la Somalie britannique.
C’est à partir du 7 août également que 2 CR32 de la 410a squadriglia furent envoyés sur le terrain d’Hargeisa pour des patrouilles dans ce secteur. Ils furent équipés de râteliers pour deux bombes de 50kg afin d’effectuer des missions d’attaque au sol. Ils furent réunis avec les appareils des 411a et 413a squadriglie pour former un même gruppo. Deux Fiat CR32 supplémentaires rejoignirent cette formation le 10 août.
Au total, pendant la conquête de la Somalie britannique, 935 heures de vol de guerre dont 376 de bombardement, 204 de chasse et 355 de reconnaissance furent effectuées ; 14 avions ennemis, dont 9 au sol et 5 en vol, furent détruits, contre 4 pertes en vol (2 SM81, 1 SM79, 1 CR32); 6 officiers, 2 sous-officiers et 12 hommes de troupe moururent.
Du côté anglais, un rapport du vice-Air Marshal Reid, commandant des forces aériennes, au Général Wawell, déclara que la RAF avait effectué pendant la campagne 19 reconnaissances, 26 bombardements de troupes et 8 incursions en profondeur, employant en tout 184 avions dont 10 furent abattus au sol et 4 en vol, pour la destruction de 4 appareils ennemis. Comme on peut le constater, il y a peu de différence entre les déclarations anglaises et italiennes. Mais le commandant anglais souligna le fait que l'objectif principal de son aviation était de protéger l’évacuation des troupes vers le port d’Aden, mission entièrement réussie.
Les convois de la Mer Rouge
Jusqu’à la fin de septembre 1940, il y eut une période d’accalmie dans les combats. Le bref mais considérable effort réalisé pour la conquête de la Somalie britannique, le manque de remplacements et la pénurie de matériel contraignirent la Regia Aeronautica à passer à la défensive, à quelques exceptions prêtes.
En effet, du 1er au 8 septembre, l’Aeronautica AOI fut impliquée dans la recherche et l’attaque d’un important convoi parti de Bombay à destination de l’Égypte. Les bombardiers effectuèrent alors une série d’incursion sur le port d’Aden, dans lequel la reconnaissance avait révélé la présence de 35 navires. Le 4 septembre, un appareil anglais fut abattu en combat aérien, et un cargo de 7000 tonneaux fut attaqué entre l’île de Gebel Zubair et Kamaran, et touché par deux bombes de gros calibre.
Le 5 septembre, des formations de SM81 et SM79, partis de Massaua et Gura, attaquèrent dans le sud de la Mer Rouge un convoi de 8 navires, escortés par 2 croiseurs et 3 avions, en route pour Perim. Trois navires furent touchés, l’un d’eux étant contraint d’abandonner la formation, et deux autres furent très probablement endommagés par des bombes tombées à proximité. Cinq appareils italiens furent gravement touchés, mais tous purent regagnés leur base de départ.
Le convoi provenant des Indes fut repéré le 6 septembre en Mer Rouge, faisant route vers Suez. Il était composé de 29 navires, pour la plupart de fort tonnage, escortés par 3 croiseurs et quelques avions. Suite à la découverte de cet objectif, 3 escadrilles (2 de SM81 et une de SM79) se succédèrent pour l’attaquer tout au long de la journée. Deux navires de passagers furent touchés, un bâtiment de tonnage moyen fut atteint par deux bombes et coula, tandis que deux bombes de gros calibre frôlèrent un croiseur. Durant la matinée, un autre navire de 5000 tonneaux fut repéré et attaqué par un appareil en mission de reconnaissance. Suite aux dommages subis, il fut abandonné par son équipage. C’était en fait un navire citerne, coulé plus tard dans la journée par un sous-marin italien.
Les 7 et 8 septembre, le convoi ne fut plus repéré, et, de retour de mission le 8, une escadrille de bombardement pris pour cible l’aéroport de Port Soudan, sur lequel furent incendiés quelques uns des 18 bombardiers qui y étaient stationnés.
Les Anglais contre-attaquent
Dès le début d’octobre, les Anglais commencèrent à attaquer les bases aériennes d’Assab et Massaua et à mitrailler les colonnes de véhicules. Ceci était une preuve que les Alliés avaient reçu de nombreux renforts. Un autre élément aggravait la situation des Italiens : la totale absence de défense antiaérienne qui permettait aux bombardiers anglais d’agir sans risque, exceptées dans les quelques zones protégées par la chasse, qui n’étaient cependant pas pourvues d’un réseau d’alerte. Les CR32, uniques avions de chasse dotés de pare flammes, et donc aptes pour l’emploi de nuit, faisaient ce qu’ils pouvaient en décollant la nuit guidés par les phares de camions qui marquaient la fin de la piste. Le 16 octobre, les 9 CR42 de la 412a squadriglia escortèrent un SM79 lors d’un raid sur Gedaref, où ils détruisirent 8 Wellesley du 47° Sqd et deux Vincent du 430° Flight.
A la défense de Mogadiscio avaient été assignés 9 avions de reconnaissance Ro37 destinés à la chasse et aux interceptions à cause du manque d’avions ! Ils combattirent à plusieurs reprises contre des bombardiers Battle de la SAAF. Ainsi, malgré la pénurie chronique d’avions et de carburant, la Regia combattait. En octobre, la RA avait perdu 84 appareils, et 85 autres endommagés se trouvaient en réparation, contre 40 avions anglais détruits. Les pertes humaines étaient douloureuses mais celles des avions l’étaient encore bien plus parce qu’il était impossible de les remplacer. Sur ce point, l’Amedeo di Savoia commença à se faire insistant sur l’envoi de 60 SM79 et 50 Fiat CR42.
Le problème du ravitaillement
C'est l'occasion d'aborder la question du ravitaillement entre l’Italie et l’Empire. Malgré la perte des ports de la Somalie, les Anglais pouvaient acheminer facilement leurs ravitaillements au front, chose qui pour les Italiens, par contre, était impossible en vertu des ressources économiques nationales limitées.
En ce qui concerne les bombardiers, leur transfert par voie aérienne était sans doute possible même si ce n’était ni facile ni rapide. En tout premier lieu, les SM79 devaient faire escale sur les terrains de la Cyrénaïque pour se ravitailler en carburant. Il fallait donc stocker sur ces terrains des carburants lubrifiants et d’éventuelles pièces de rechange. Mais les terrains de la Cyrénaïque étaient trop petits et exposés aux attaques anglaises. Ainsi, il aurait été inconsidéré d’y entreposer de grosses réserves. Tout ceci encouragea à organiser des convois de trois avions à la fois.
Pour les avions de chasse, c’était autre chose. Il n’était pas possible pour les chasseurs d'effectuer un tel trajet. Ces derniers ne pouvaient gagner l’AOI que par le biais d’avions de transport. Seul le SM82 pouvait embarquer un Fiat CR42 démonté en plus d’un moteur de réserve. Mais les avions de ce genre étaient peu nombreux et étaient demandés sur tous les fronts. Le premier SM82 à embarquer un CR42 à son bord décolla de Guidonia le 22 août 1940 pour gagner Gura, en faisant escale à Benghazi. Entre le 10 juin et 14 novembre 1940, 37 SM79 furent transférés en AOI et 13 CR42 gagnèrent cette destination dans le ventre des Marsupiali. Puis, les transports durent être suspendus à cause de la perte des terrains d’escale de la Cyrénaïque.
Ces difficultés conduisirent le vice-roi à faire des demandes désespérées au gouvernement central, plus particulièrement après le début des opérations anglaises de janvier, dans lesquelles il présentait une situation désespérée faisant craindre la disparition pure et simple de l’aviation italienne en AOI pour la fin du mois. Mais malheureusement, seuls 5 nouveaux Fiat CR42 arrivèrent sur place en février. En mars, 15 biplans Fiat purent gagner Asmara, ce qui porta à 51 le nombre de CR42 transportés par les SM82 en AOI.
Fuselage d'un CR42 installé dans le ventre d'un SM82.
Il est intéressant de lire les courriers échangés entre le vice-roi et le gouvernement central :
(source : G.Santoro-L’Aeronautica Italiana nelle Seconda Guerra Mondiale.
« n.42563. Dans les opérations actuellement en cours, débutées le 17 janvier, L’Aeronautica Impero a subit les pertes suivantes : 17 avions perdus au cours de combats, y compris les avions détruits au sol; 3 pour des incidents en vol. De plus, 24 avions endommagés ou touchés au sol ne pourront être remis en état qu’en mars. Au total, 44 avions ont été détruits ou rendus inutilisables en 13 jours de combat. Les appareils utilisables au 31 janvier sont : 7 S.79, 6 S.81, 37 Ca 133, 17 CR32, 18 CR42, 2 Ro37 et 1 S82, soit un total de 82 appareils.
Je tiens surtout à faire remarquer qu’actuellement, sur tous les fronts, l’ennemi emploie un grand nombre d’avions de chasse type « Hurricane » et Gloster Gladiator. J’ajoute que le Ca.133 est devenu presque inutilisable sans une forte escorte de chasse.
A ce rythme là, si l’emploi de l’aviation reste tel qu’il est, il est fort probable que d’ici 15 jours, l’Aeronautica Impero aura perdue toute efficacité opérationnelle. J’attire à nouveau votre attention sur la nécessité d’envoyer rapidement un nombre suffisant d’appareils en AOI pour affronter une situation si délicate. Devant de tels faits, je vous préviens qu’une Divisione Azzurra, composée de militaires provenant de la métropole et d’indigènes appartenant à la Regia Aeronautica, est déjà en voie de constitution. Cette division sera employée dans le cadre des opérations terrestres aux côtés des Forze Armate dont elle sera fière de partager le sort.
AMEDEO DI SAVOIA
Communication datée du 4 février 1941 :
« n. 42744- suite de la communication n.42563. En cette journée du 4 février 1941, nous avons perdu 8 Ca133 et 3 CR42. Il ne reste plus que 71 avions dont 29 Ca133, à l’efficacité bien connue. Cependant, le personnel continuera à se battre jusqu’à la mort. AMEDEO DI SAVOIA »
Communication datée du 17 Mars 1941 :
« n. 46558/1. Aujourd’hui, alors que toutes les forces anglaises sont concentrées sur nous, l’aviation de bombardement est réduite à 3 S.79, 2 S.81 et 9 Ca133. En dehors des Ca133 qui ne peuvent être employés que pour des opérations internes et des 3 S.81 répartis dans les trois secteurs, seuls 3 S.79 peuvent intervenir dans la bataille de Keren tandis que l’adversaire emploie des dizaines d’avions qui bombardent continuellement nos lignes. Les troupes indigènes ont peur des bombardements ; et lorsque les pertes sont graves, elles se démoralisent et se dispersent. Hier, les CV° et CXII° bataillons, partis la fleur au fusil pour mener une contre-attaque, ont été presque entièrement détruits par l’aviation, au point qu’ils ne sont plus utilisables.
Devant une telle situation, nous ne pouvons rien faire. Si vous voulez, il est encore temps de nous aider en envoyant une dizaine d’avions à la fois et non un par un. Entre le 12 février et aujourd’hui, nous avons reçu un, j’ai bien dit UN S.79 alors que nous avons envoyé en Italie des équipages pour en retirer 12. Si vous ne voulez pas courir le risque de compromettre la bataille de Keren, envoyez-nous à tout prix des avions.
AMEDEO DI SAVOIA
Rencontre entre le Duca D'Aosta et Ettore Muti à Asmara, durant l'été 1940, devant un SM79.
Ettore Muti
Réponse personnelle de Mussolini :
« 7361 /OP. Pour le Vice-roi. En référence à votre 46558, des difficultés d’abord puis l’impossibilité d’utiliser les bases d’escale de Cura et Aunât, la nécessité de tenir à disposition de nouveaux réservoirs supplémentaires et d’utiliser des bases adaptées pour les décollages en surcharge avec de mauvaises conditions météorologiques ont retardé l’envoi des S.79 prévus. La tentative de faire escale à Rhodes a échoué et provoqué la perte de deux avions. Nous faisons tout notre possible pour satisfaire à vos besoins. Actuellement, 6. S79 sont en cours de transfert en Cyrénaïque, 30 autres suivront dans les plus brefs délais consentis. Soyez certain que nous faisons tout ce qu’il est possible de faire.
MUSSOLINI. »
Mais la réalité à Rome était bien différente puisque dans un extrait de la réunion de l’état major général du 18 mars, il est écrit :
« … l’Ecc. Guzzoni lit le dernier télégramme provenant de l’AOI et, bien que convaincu qu’aucune aide ne soit suffisante pour sauver l’Empire et ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan, il prie le général Pricolo (chef d’état major de la RA) de regarder ce qui peut être envoyé, par conscience morale. Il fut finalement décidé l’envoi de 6 S.79 et de 30 CR42 dans les plus brefs délais. »
Dans cette réunion, on mentionne aussi la possibilité d’envoyer des Re2000 à la place des CR42. Pricolo, qui connaissait les caractéristiques de l’excellent chasseur Reggiane et qui savait bien qu’il n’aurait pas été adapté au théâtre d’opération africain (ou alors au prix de longues et importantes modifications) en déconseilla l’envoi et préféra poursuivre le transfert de machines comme le CR42, déjà tropicalisé.
En date du 28 mars :
« n.001079/Op. Le commandant de l’aviation de l’AOI communique son intention de suspendre tout envoi d’appareils en AOI à cause de la situation actuelle en Erythrée.»
Ce message fut suivi d’un autre, daté du 14 avril, dans lequel fut signalée la possibilité d’utiliser le terrain de Massaua pour y faire atterrir les S.79, préoccupation inutile parce qu’à Rome, le 27 avril, toute tentative de ravitaillement fut définitivement abandonnée. Les courriers se passent de commentaires : Amedeo di Savoia et l’Empire furent abandonnés à leur sort.
La fin de l’Aeronautica Impero
Caproni Ca.133 de la 9a squadriglia, XXIX° Gruppo tracté par un Fiat OCI 708 sur le terrain de Lugh Ferrandi, en Somalie.
Durant les mois d’octobre et novembre 1940, afin de préparer leur attaque dans le secteur Nord, les Anglais intensifièrent leur activité aérienne contre les objectifs civils et militaires, en particulier contre les terrains d’aviation. La tactique anglaise était toujours la même : la nuit, deux ou trois avions attaquaient avec des bombes et des charges incendiaires. La chasse italienne, sans aucun projecteur ni guidage radio, ne pouvait opposer que les vieux Fiat CR32. Les patrouilles diurnes étaient quant à elles contrées par les Gladiator de la RAF.
Cependant, ces incursions n’obtinrent aucun résultat tangible et seuls trois CR42 furent détruits au sol. Les chasseurs transalpins, quant à eux, frappèrent durement le terrain de Ghedaref, où les CR42 réussirent à détruire 11 appareils britanniques au sol.
Le 6 novembre, une attaque surprise fut lancée contre Gallabat. Mais l’intervention de l’aviation italienne, en soutient des forces terrestres, permit de contrer l’action anglaise. Durant cette bataille, les vieux Ca.133 montrèrent leur versatilité en transportant les Granatieri di Savoia d’Addis Abeba sur le front et en bombardant les positions anglaises. Cet affrontement, qui dura 2 jours, se termina avec 7 appareils britanniques abattus contre la perte de 2 Ca133 sur les 20 engagés. Le succès italien était incontestable, mais l’effort demandé fut énorme. Le succès de Gallabat ne pu être obtenu qu’en dégarnissant d’autres secteurs, ce qui ne passa pas inaperçu chez les Anglais.
Les attaques anglaises cessèrent par la suite. Il aurait été opportun pendant cette période d’accalmie d’effectuer des attaques massives de Port Soudan, mais avec quels moyens ? L’Aeronautica AOI ne pouvait risquer d’autres pertes, car l’économie en hommes et matériels s’imposait. La conséquence fut que les pertes du dernier trimestre 1940 furent légères, du fait de la faible activité de l’aviation italienne. On peut cependant signaler que, le 16 décembre, deux Fiat CR32 de la 410a squadriglia abattirent un bombardier Martin 167F des FFL au-dessus de leur propre base.
Dans ce contexte difficile, il est intéressant de reporter une petite anecdote concernant la 110a Squadriglia RT. Cette escadrille reçu ses 4 premiers CR42 le 17 janvier 1941, pour combler les pertes de Ro 37bis. Lors de la première opération avec les nouveaux chasseurs, les pilotes se montrèrent plus agressifs. Mais curieusement, l’unique victoire aérienne obtenue sur Ro 37 l’a été le 22 janvier, sur un Hartbeeste du 41° Sqd SAAF au-dessus de Gerille, alors que les pilotes de reconnaissance disposaient à ce moment de chasseurs plus performants.
Romeo Ro37bis de la 110a Squadriglia à Dire Daua, été 1940.
Le nombre d’appareils en état de vol au 10 janvier 1941 était réparti comme suit : 64 Ca133, 4 SM81, 5 SM79, 2 CR32, 2 CR42 et 1 SM82. Il convient de rajouter à cet inventaire les avions en réparation : 40 Ca133, 10 SM81, 12 SM79, 5 CR32, 10 CR42 et 3 Ro37. Au total, on dénombrait 158 avions en ligne dont 80 en réparation. La pénurie de carburant constituait un autre sujet de préoccupation (à peine 6500 tonnes étaient disponibles). En revanche, le ravitaillement en munitions était suffisant. Le personnel était fatigué et éprouvé, et l’irrégularité du service postal avec l’Italie ne favorisait pas le moral des hommes.
Le 19 janvier, les Anglais commencèrent leur invasion de l’Erythrée, en avançant sur Cassala Agordat et Barentù, sans rencontrer de réelle résistance. Vu ce dont elle disposait, la RA fut pratiquement dans l’impossibilité de soutenir la résistance des troupes terrestres. Le 8 février, les Anglais s’arrêtèrent devant le pas de Keren et y restèrent bloqués pendant 54 jours grâce à la résistance acharnée des troupes italiennes, commandées par le général Carmineo.
Dans le secteur sud, les Anglais maintinrent une certaine pression sur le dispositif adverse dans le but d’empêcher l’intervention de renforts italiens dans le délicat secteur de Keren. Face aux attaques aériennes anglaises, il n’existait pratiquement aucune défense. Les vieux Ca.133 se lancèrent avec beaucoup de courage sur les colonnes anglaises en leurs infligeant quelques dommages, mais au prix de nombreuses pertes. En pratiques, ces actions ressemblaient bien à des attaques suicides. Les 5 CR42 capables de prendre l’air ne pouvaient pas faire grand-chose non plus.
Le 9 février, des CR42 de la 412a squadriglia effectuèrent une mission d’attaque au sol sur le terrain d’Agordat, détruisant 2 Wellesleys, 2 Hartbeestes, 2 Lysanders et endommageant 4 autres appareils.
Le 14 février, l’aviation de l’AOI comptait encore dans ses rangs (appareils en réparation inclus) : 23 Ca133, 7 SM81, 9 SM79, 11 CR32 et 13 CR42. Ces avions ne pouvaient rien faire d’autre que d’abandonner les terrains et se retirer vers Asmara. Le 9 mars, 3 CR32 de la 410a squadriglia contraignirent un Blenheim à atterrir sur leur base, permettant ainsi sa capture. Le 15 mars, l’ensemble de l’Aeronautica de l’AOI pouvait compter sur 10 Ca133, 3 SM81, 4 SM79, 8 CR32 et 15 CR42. Le 26 mars, Keren tomba, et s’en suivit une longue succession de pertes, malgré quelques actions victorieuses isolées. Fin avril, l’aviation de l’AOI avait cessé d’exister.
Addis Abeba, fin avril 1941 : ce Fiat CR32 a été capturé par les troupes anglaises, qui lui ont appliqués une croix noire dans un rectangle blanc.
A partir de ce moment furent constitués les Reparti Azzurri, avec le personnel au sol et les pilotes, dans le but de défendre les derniers remparts de l’Empire. Ils étaient divisés 3 bataillons, pour une force globale de 1100 hommes environ. Trente hommes, pilotes ou spécialistes, réussissent à fuir Addis Abeba à bord de vieux SM73 et à rejoindre un aéroport neutre en Arabie, d’où ils purent regagner l'Italie.
Le 2 Mai, le commandant de l’Aeronautica AOI suivit le vice-roi sur l’Amba Algi où, le 17 mai, il sera emprisonné après s’être rendu aux anglais. Au début du mois de juin, le commandant du secteur Sud et gouverneur de la Galla et du Sidama est contraint de se replier. Ce dernier ordonna que les défenseurs d’Agarro continuent de tenir la ville. La défense était composée d’hommes des Reparti Azzuri et d’un groupe hétérogène d’hommes provenant de la métropole et d’indigènes. Ces hommes disposaient uniquement de leur armement individuel et de quelques mitrailleuses démontées sur les avions, et les réserves de vivre et d’eau étaient faibles. Le 17 juin, le fortin fut assiégé par environ 8000 « soldats » éthiopiens de la tribu de Chelo. Les défenseurs, abandonnés à leur sort, tinrent jusqu’au 21 juin. A Gondar, dernière place forte encore contrôlée par l’Italie, il y avait encore 10000 litres de kérosène, un Ca133 et deux CR42 aptes à voler. Un des deux CR42 avait été bricolé à partir de morceaux de deux avions abattus par les anglais et par un autre avion abandonné dans un hangar et même de quelques parties d’Hurricane ! Le Caproni assura des liaisons de ravitaillement entre Gondar, Culqualber et Uolchefit. Les CR42 réussirent à abattre deux Wellington. Après le mitraillage du Ca 133, les CR42 furent transformés en appareils de transport, équipés d’une caisse pouvant contenir 30kg de matériel pour poursuivre le ravitaillement d’Uolchefit.
Le 10 Septembre, le commandant de Gondar informa les équipages que le Ca133 endommagé au sol était prêt à voler de nouveau. Ceci permit de ravitailler à nouveau Uolchefit avec environ 800 kg de matériel par jour. Le 21 septembre, le vieux et glorieux Caproni fut détruit par un incendie criminel à terre. Le 15 octobre, le sous-lieutenant Ildebrando Malavolti et le maréchal Giuseppe Mottet firent appel à des volontaires pour une attaque désespérée sur Asmara et Gura. Après le straffing, les pilotes devaient sauter en parachute. Mais un des deux CR42 fut détruit au sol avant qu’il ne puisse accomplir sa mission. L’autre décolla le 24 octobre, mais l’on ne sait pas ce qu’il advint de lui. Le lendemain, un avion de chasse de la RSAF largua sur Gondar le message suivant : « En hommage au vaillant pilote du Fiat, de la part des pilotes de la Royal South African Air Force. » Le 27 novembre, Gondar fut contraint de se rendre, et la perte de Gondar entraîna celle de l’Empire. Les dernières troupes italiennes se rendirent le 29 novembre 1941.
Du 11 juin 1940 au 20 mars 1941, on peut estimer que l’action de l’aviation italienne fut répartie entre :
1500 sorties de bombardement ;
2600 sorties de chasse ;
1400 sorties de reconnaissance ;
plus de 1000 sorties de ravitaillement, transport et action de répression.
Les pertes britanniques s’élevèrent à 140 appareils abattus et 80 détruits au sol.
Un pour tous : Mario Visintini
Je voudrais maintenant vous parler de Mario Visintini et par la même occasion des pilotes, spécialistes et personnels de tout ordre et de tout grade qui combattirent dans ce secteur difficile, qui, bien qu’abandonnés à eux-mêmes, remplirent leur devoir jusqu’à la fin.
Gondar, octobre 1941 : le CR42 d'Ildebrando Matavolti s'apprête à décoller pour l'une des dernières missions de la RA en AOI.
L’aspect technique
Il est inutile d’entrer dans une analyse détaillée et technique des avions engagés dans ce théâtre d’opération parce qu’il existe de nombreux livres à ce sujet fournissant des données exhaustives ; il faut rappeler encore une fois que les pilotes italiens se battirent avec de vieux avions contre la RAF. Sans radio, sans liaison avec la terre, avec des avions de chasse volant à 150km/h de moins que leurs adversaires, les pilotes transalpins ont fait ce qu’ils pouvaient avec ce qu’ils avaient. Mais parfois, le courage ne suffisait pas.
Suivent des tableaux avec les principales caractéristiques des appareils en service de juin 1940 à novembre 1941 en AOI.
Personnel au sol assurant la maintenance d'un Ca.133 de la 64a squadriglia, 49° Gruppo BT à Scenele.
SM79 transportant une délégation italienne venue discuter des conditions de reddition avec les Anglais.
S.81 du XXIX° Gruppo BT sur un terrain près du lac Biscioftù, le 8 mai 1940. Les intrados ont déjà reçu une couche de noir, en prévision des opérations nocturnes à venir.
Il est évident que le principal avion de soutient et de bombardement italien, le Ca133, était nettement inférieur au Blenheim et même au Wellesley, pourtant plus vieux. Comme le SM81, il avait été conçu pour remplir des missions de transport et de bombardement, et comme le Pipistrello (surnom du SM81), il remplissait mieux le premier rôle que le second. Mais c’était une machine rustique, très robuste, peu sophistiquée, et donc apte à l’emploi comme avion colonial ou de maintient de l’ordre en l’absence d’opposition aérienne ennemie. Dans un climat d’infériorité aérienne, ces deux avions étaient très vulnérables. Et pourtant, leurs équipages partirent à l’attaque contre les colonnes anglaises. Le SM79 était quant à lui une machine réussie avec une réelle efficacité combative dans les rôles qui lui étaient attribués (à savoir le bombardement et le torpillage), mais inadapté à l’attaque au sol en appui direct des troupes, rôle dans lequel le pauvre Gobbo fut employé fréquemment. Bien qu’ils se soient montrés efficaces lors de la bataille de Keren, les SM79 étaient trop peu nombreux pour avoir d’impact décisif dans l’issu du conflit.
Le Wellesley était déployé au Kenya et au Soudan uniquement, parce qu’il était jugé dépassé pour le front européen et le Pacifique. Nos chasseurs en abattirent un bon nombre : cinq des 17 victoires de Visintini ont été obtenues contre ces bombardiers. Le Blenheim, bien que n’étant pas une foudre de la guerre, se révéla être le meilleur bombardier et avion d’attaque au sol utilisé en Erythrée. Sa charge offensive et sa possibilité d’emporter quatre mitrailleuses supplémentaires dans une gondole ventrale le rendaient efficace comme avion d’assaut et de soutient aux troupes terrestres.
Avions de transport
Le SM82 Marsupiale était un avion de transport particulièrement réussi, capable d’emporter une charge utile importante sur de longues distances. C’est grâce à cet avion qu’arriva la majeure partie du ravitaillement et des appareils destinés à l’AOI. Il pouvait aussi être employé en tant que bombardier, mais ce n’était pas sa vocation originale.
Le Bombay fut en revanche un fiasco aussi bien comme avion de transport que comme bombardier. Avion comparable aux Ca133 et SM81, il était cependant trop sophistiqué pour opérer en tant qu’avion colonial et complètement dépassé dans les autres rôles. A la différence du Marsupiale, il opéra exclusivement en Afrique alors que son collègue italien assurait des liaisons entre Rome et Addis Abeba. Souvent, les équipages du SM82 bombardaient le port d’Aden sur la route du retour, après avoir déchargé le matériel transporté.
Avions de chasse
En ce qui concerne la chasse, au moins jusqu’à l’apparition du Hurricane pendant l’offensive anglaise de janvier 1941, la situation n’était pas dramatique et les CR42 pouvaient faire face aux Gladiateurs. Les anciens CR32, qui avaient la possibilité de porter deux bombes de 50 kg sous les ailes, se révélèrent utiles pour l’attaque au sol. Mais dès l’arrivée des premiers Hurricane, les chasseurs biplans italiens ne furent plus en mesure de rivaliser avec ces rapides monoplans.
Le seul avion spécifiquement créé pour la reconnaissance présent dans ce théâtre d’opération fut le Romeo Ro37, un robuste biplan, parfait dans son rôle mais désarmé face aux avions de chasse ennemis. Les Anglais, pour la reconnaissance, utilisèrent des Blenheim désarmés qui embarquaient un observateur de l’armée de terre à la place du bombardier.